Ghidrah, le Monstre à trois Têtes (San daikaijû: Chikyû saidai no kessen) (1964) de Ishirô Honda

Voilà un épisode qui, à défaut de nous faire perdre la tête, est relativement élaboré ; du côté des humains, tout d'abord, plusieurs intrigues s'entrecroisent autour de cette princesse venue d'une île proche qui se prend tout d'un coup pour une prophète en provenance de Vénus (si vous commencez à être sceptique, je vous propose d'arrêter là) : elle annonce, ni plus ni moins, la fin de la vie sur Terre, après celle sur Vénus ; le responsable, ce fameux Roi Ghidrah, ce dragon volant à trois têtes qui vient d'installer ses quartiers sur Terre. Notre princesse est tout d'abord poursuivie par des gens de son île, qui, pour des raisons purement politiques, voudraient la descendre. Un flic nippon, chargé de sa protection, tente de lui coller aux basques. On retrouve également, dans son entourage proche, une journaliste intriguée par les déclarations de cette nouvelle prophète - une journaliste qui est par ailleurs la soeur du flic... Bref, une princesse vénussée très demandée qui se retrouve au centre de tous les intérêts. Côté monstre, alors là attention, c'est meuh-meuh : outre Godzilla, notre vedette, il faut noter le retour de Mothra (cette chenille qui nous vient d'une île paradisiaque et qui ne répond qu'au chant de deux jumelles microscopiques - les fans seront ravis, elles sont également de nouveau de la partie) et la venue d'un certain Rodan, un genre d'aigle pas content du tout... Mothra, la chenille, va avoir pour mission de rallier contre Ghidrah, Godzilla et Mothra qui se battent l'un contre l'autre comme des chiffonniers... Ce serait bien évidemment la seule façon d'éviter la fin du monde.

Un propos de fond qui ravirait toute écologiste (le réchauffement de la planète, une pluie de météorites, des virus monstres qui se réveillent...), il faut le reconnaître, même si ici les analyses ne sont guère poussées bien loin. Le message est clair de toute façon depuis le début de la série : la fin du monde est proche si personne ne veille... Bien. Si le fond est intéressant mais traité de façon pour le moins primaire, reconnaissons la très bonne facture au niveau de la forme : des paysages alpestres mis en valeur, des intrigues qui s'entrecoupent et qui laissent pleinement, à chacun, le temps d'avoir un rôle à jouer, des évacuations avec des miliers de figurants et des combats entre monstres loin d'être ridicules au milieu de maquettes de plus en plus élaborées. Oui, tout ça est un peu con mais ça n'empêche qu'on ne puisse rendre grâce à Honda de faire le maximum pour donner à son récit un certain lustre. Un lustre et, allez, peut-être même une véritable pointe d'humour lors des combats dits monstrueux : on assiste ainsi au lourdage de Godzilla sur un poteau électrique par un Rodan taquin, a des prises de judo de Godzilla sur son adversaire de la plus belle eau, à une véritable partie de tennis ballon entre ces deux protagonistes qui se renvoient des rochers gros comme Monaco à la tronche (dans un esprit finalement assez bon enfant) ou encore à une fuite les mains aux fesses de Godzilla suite à une brulure mesquine du dragon tricéphale... La discussion entre Mothra, Godzilla et Rodan vaut également son poids en cachuètes, les deux monstres refusant de s'allier 1) parce qu'ils sont fâchés 2) parce qu'aider les humains ne fait pas partie de leur mission initiale... Il est également assez drôle (attention spoiler) après la victoire de cette alliance, de voir les deux monstres se retrouver les bras ballants, toujours debout - on sent qu'il est temps pour eux d'aller ailleurs, la vie sur Terre étant devenue un brin emmerdante (ils voulaient tout péter, les voilà devenus sauveurs de l'humanité - diable !)... Du charme avec cette princesse déboussolée et nos deux miniatures chantantes, de l'intrigue policière avec ce gang qui tentent de descendre cette princesse amnésique, de l'action avec nos monstres et des éboulis de pierres qui détruisent la moitié d Japon : un épisode plein comme un oeuf, avec des effets spéciaux pas trop laids, ce qui donnerait presque envie, pour une fois, de ne pas être trop caustique - bon, il reste quand même sept-huit épisodes à se taper, il faut rester motivé et garder la foi...