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3 mars 2021

Peggy Sue s'est mariée (Peggy Sue Got Married) de Francis Ford Coppola - 1986

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J’étais déjà resté de marbre en 1986 à ma découverte sur grand écran de Peggy Sue Got Married, et je confirme cette réaction aujourd'hui. Le film a tout pour plaire, la thématique pouvait déboucher sur des choses bouleversantes, et il y a même ça et là quelques jolies idées ; mais l'ensemble est bousillé par la production, avec ces flagrantes erreurs de casting, cette difficulté à trouver le ton juste entre comédie pour teenagers et mélodrame flamboyant, cet aspect trop clinquant pour servir une histoire très intime. Pour cette fois, et comme ça lui est arrivé de temps en temps dans sa filmographie très inégale, Coppola est dépassé par lui-même, par son ambition, par sa mégalomanie. Du coup, on se retrouve devant un film maladroit, pas aimable, qui gâche à peu près tout son potentiel.

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Pourtant sur le papier, il y a tout pour faire pleurer le Gols moyen. Une mère de famille vieillissante en plein divorce, une fête de retrouvailles des anciens élèves du lycée, et voilà notre Peggy Sue confrontée au ratage de sa vie, à ce petit pincement au cœur qui vient quand on se rend compte qu'on est en train de passer à côté de sa vie, que la jeunesse était le moment bénie des dieux. Cette mélancolie se transforme à la faveur d'un évanouissement en réalité : la belle se retrouve en 1960, au temps de ses 17 ans, et est invitée à revivre sa jeunesse à l'aune de sa maturité. Elle se retrouve en effet ramenée 20 ans en arrière, mais dans le personnage qu'elle est à la quarantaine, avec son bagage émotionnel actuel et la distance qu'elle est censée mettre dans ce qui lui arrive. La voilà donc retrouvant ses parents, ses copines, ses disques et sa chambre, mais aussi Charlie, l'homme qu'elle a épousé et qui s'est montré si décevant. Si vous deviez revivre votre vie, est-ce que vous feriez les mêmes erreurs, ou est-ce que vous tenteriez d'en éviter certaines ? C'est la jolie question que pose ce film très nostalgique et sentimental, et qui, encore une fois dans le principe, pouvait donner des choses formidables. D'ailleurs, dans ses moments inspirés, le film envisage son aspect mélodramatique frontalement, sans réserve : le premier plan, très sirkien, par exemple, est une formidable utilisation de la profondeur de champ, qui nous plonge immédiatement dans le réseau de subjectivité/objectivité du film (j'aurais choisi ceci dit une autre doublure pour Kathleen Turner : son "reflet" dans le miroir bouge en décalé !); la scène de mise au point dans la serre avec Charlie est aussi très bien écrite, et mise en scène en maître, avec cette suavité qui s'empare de tout, cette sentimentalité éclatante qui va avec l'environnement choisi. Quand le film arrête de s'agiter comme un petit malin, c'est assez beau.

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Malheureusement, Coppola n'a pas su choisir entre comédie mélancolique et mélodrame. Son casting fait pleurer : Kathleen Turner, filmée laidement, a du mal à exprimer autre chose que l'oie là où on attendait de la profondeur, du tourment ; ses copains de fac sont débiles (Jim Carrey dans un de ses premiers rôles, toujours aussi pathétique et grimaçant) ; et surtout, Charlie est campé par un Nicolas Cage nullissime, la grosse erreur de distribution : l'acteur grimace et surjoue tout, passant complètement à côté de son personnage qu'on imagine lui aussi gagné par la mélancolie et le dégoût de soi-même. Pris dans le tourbillon de son scénario complexe, qui aurait nécessité au moins 30 minutes de plus pour exprimer tout son potentiel, Coppola écrit des scènes inutiles et médiocres (celle avec les parents, celle avec la grand-mère, la scène finale avec le groupe de petits vieux occultes), sensées nous faire sourire mais qui ne sont que pénibles. Trop clinquant, trop concentré sur sa reconstitution grand crin des années 60, trop gros pour ce que son petit scénario raconte, le film déborde de tout, de couleurs, de mise en scène chiadée, de personnages, ne trouvant jamais son ton, sa note juste. On regarde la chose amusé et parfois assez séduit par les idées de Coppola (c'est quand même pas le dernier des manches), mais aussi affligé devant sa façon de gâcher sa belle idée par trop de génie auto-proclamé et par ses acteurs en-dessous de tout.

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Commentaires
J
Visiblement, vous ne comprenez pas grand chose à l'art subtil de Jim Carrey... Regardez donc le documentaire qu'Arte lui consacre où l'on découvre dans ses choix un projet politique cohérent.
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S
Vous êtes vraiment indulgents. Ce film, on dirait le rejeton d'un mauvais épisode de "Code Quantum" et d'un numéro prestige de la collection "Combats de femme" sur M6. Notre Francis avait arrêté la drogue à cette époque ? Ou augmenté les doses ? Lui qui aura été si prodigieux dans les 70's (peut-être le plus magistral sans faute sur une décennie).
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G
Oui, j'avoue que je connais pas très bien Waters, dont j'avais vu un ou deux films avec son actrice fétiche, Divine ou Princesse, une blonde quand même très gironde. Et le très moyen Serial Mother aussi. Bon. Il est possible qu'on y vienne un jour ou l'autre. Merci, Oleander.
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O
Vu y'a longtemps pour Kathleen Turner que j'avais pas trouvé à son meilleur. <br /> <br /> <br /> <br /> À ce propos, John Waters n'a jamais eu l'honneur d'être visionné par vos soins. Chantre du mauvais goût et film trash amateur à ces débuts (Pink flamingos, Desperate living...) avant d'embrayer vers des comédies plus accessibles vers la fin (Hairspray, Serial mother avec Turner...), je serais ravi d'avoir votre ressenti.
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