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25 février 2021

La petite Femelle de Philippe Faucon - 2021

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Le cinéma de Philippe Faucon est si démuni (parfois à son corps défendant, parfois par volonté) qu'il lui arrive plus souvent qu'à son tour de tomber dans l'indigence totale, comme avec cette petite Femelle cheap et un peu ringarde. A priori complètement privé de moyens, Faucon se rattrape vaille que vaille à sa trame, mais ne parvient pas à lui rendre justice pleinement : la reconstitution des années 50 a tout d'un film ORTF, avec ses figurants laissés à vau-l'eau et ses deux voitures trop habilement disposées dans le cadre pour symboliser l'époque. Bon, on n'est pas si loin, puisque ce film est en fait un téléfilm pour France 2, mais on se dit qu'il ne servait à rien d'être allé chercher un bon cinéaste pour servir un objet aussi formaté "télé de qualité française". Ceci dit, Faucon, avec sa subtilité et son humanisme, avec sa sobriété et son talent pour découvrir la vérité dans les plans les plus simples, semble être l'homme de la situation pour traiter ce sujet encore si disputé aujourd'hui :  oui ou non, Pauline Dubuisson est-elle coupable d'avoir assassiné son amant Félix Bailly ? Le film, tout comme le roman de Philippe Jaenada dont il est l'adaptation, affiche clairement son opinion : on n'en sait rien, mais ce qu'on sait, c'est que cette pauvre Pauline a toute sa vie été la cible du paternalisme machiste de son temps, des préjugés sociaux et de la mouise (voir un film de Clouzot sur son histoire cartonner au cinéma alors qu'on essaye de se refaire, c'est tout de même pas de bol), et que ceci (le mépris) peut peut-être expliquer, sinon excuser, cela (le meurtre).

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Faucon aime les spoliés, les sans-dents, les oubliés du système. En montrant donc la vie de Pauline Dubuisson comme une successions d'injustices qui vont systématiquement à l'encontre de sa soif de liberté, il a trouvé son cobaye idéal. Pauline aime un Allemand pendant la guerre ? elle est considérée comme traître. Elle tombe amoureuse d'un mec de la Haute ? elle se verra taxée d'opportuniste. Elle veut finir ses études avant de se marier et d'avoir des enfants ? la voilà qui choque son monde. Elle a des amants ? Pas dans l'air du temps. Cette suite de disgrâces assoit sa réputation de Marie-salope, et le meurtre ne sera que l'apogée de cette chute morale et sociale de plus en plus pesante. Sans pathos, sans jugement, Faucon filme cette jeune fille trop belle et trop indépendante comme une victime sacrificielle de son temps. Il a trouvé en Lucie Lucas une solide interprète, qui joue avec distance et froideur ce personnage opaque, condamné aussi pour son manque d'expression lors de son procès. Face à elle, les acteurs secondaires, par contre, sont bien fades, on sent que Faucon s'est concentré sur le personnage exclusif de Pauline et a oublié de réfléchir sur les autres : vagues ombres de personnages, réduits souvent à un trait de caractère simpliste, et placés d'ailleurs dans des situations archétypales que le cinéaste ne parvient pas à rendre vivantes. On a l'impression d'un exposé sur Dubuisson, le film ne respire pas, ne cherche pas la véracité mais seulement le débat. La froideur objective a menacé bien souvent le cinéma de Faucon ; ici, elle l'étouffe complètement. Au bout du compte, on a, c'est vrai, un bon aperçu de ce fait divers (encore qu'un peu expéditif, le tout ne durant qu'une petite heure et demi), mais il y manque la vie, l'émotion...

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