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16 février 2021

Le Futur est femme (Il futuro è donna) de Marco Ferreri - 1984

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Au tournant des années 80, on dirait que Ferreri a changé, qu'il ne sait plus fabriquer que des films douloureux, qu'il a laissé derrière lui l'humour et la farce. Le Futur est femme est un exemple de cette mutation pas forcément géniale dans la carrière du bougre : assez chiant, macabre, de mauvais goût mais parfois assez touchant, complètement tourné vers les problèmes de couple et tout ce qui va avec (la maternité, l'impuissance, le sexe,...). Mais il est essentiellement question d'amour, et le film développe habilement les fantasmes du cinéaste, parvenant en fin de compte à une provocation de plus : peut-on confier son enfant à une femme plus capable que soi de l'aimer et de l'élever ? A ma gauche, donc, un couple fusionnel : au début du film, Gordon (Niels Arestrup) retrouve les yeux bandés, rien qu'au feeling, au milieu d'une immense boîte de nuit, Anna (Hanna Schygulla), c'est dire si le gars est mordu. Mais ils vont au détour d'une de leurs nuits agitées rencontrer Malvina (Ornella Muti), gironde femme qui respire le sexe, et pas seulement parce qu'elle est enceinte. La belle les envoûte complètement, s'installe chez eux, et commence alors une étrange aventure à deux (les deux femmes) puis à trois. Le tout sur fond de désir d'enfant mal formulé, de délire sexuel, d'échangisme et d'amour total, et dans un contexte où l'amour semble bien mort pour tous ceux qui les entourent : les murs de la ville moderne qui les enferment, la tristesse des soirées, le cynisme ambiant, tout participe à l'enfermement de ce trio bizarre.

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Aliénation de l'Homme, perte du sentiment amoureux, dévoiement de la maternité, on connaît la chanson si on a déjà vu un film de Ferreri. Ce film-là rentre donc dans sa filmographie sans chausse-pied, et on est plutôt bien dans ce film pourtant assez austère et glaçant. On est dans une Italie fantasmée, pas tout à fait réaliste et pas tout à fait fantastique non plus, où les immenses barres d'immeuble ont remplacé les petites places, où les discothèques modernes ont enterré les rengaines de jadis. Photographiés très bellement par Tonino Delli Colli, cette ville a des airs glacés qui colle bien avec les désillusions amoureuses des personnages, qui ne cessent de se perdre et de se retrouver dans un ballet douloureux, tragique, fermé de tous les côtés. Mais derrière la tristesse se développe une étrange beauté, une utopie même, qui tendrait à dire que, si on en change les règles, l'amour peut encore avoir des choses à dire : il suffit d'oublier la notion de couple, de ne plus considérer la grossesse et l'enfant comme des choses sacrées, de se laisser aller à la simple joie du moment présent, au bonheur de l'instant. De temps en temps, le film ménage des trous d'air, des passages presque romantiques où nos amoureux s'embrassent, rient, font des conneries, et sont heureux. Voilà qui tranche avec la morbidité ambiante, et avec cette critique au vitriol du monde moderne (architecture, musique, police, vulgarité galopante, tout Berlusconi en 1h40 de temps). Les deux comédiennes, filmées divinement, sont parfaites, et si Arestrup fait un peu ersatz de Depardieu ou de Brando, on apprécie de le voir dans ce rôle de loser. Un mix entre les glauquitudes de Fassbinder (dont Schygulla est la gardienne) et un certain état d'esprit, toujours aussi libre et indépendant, typique de l'Italie que Ferreri a toujours défendue : un film méconnu et attachant, même s'il a énormément vieilli.

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