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Shangols
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8 mars 2024

Le Diable n'existe pas (Sheytan vojud nadarad) (2020) de Mohammad Rasoulof

Voici donc ce fameux ours d'or de Berlin (on vous a gâtés cette année avec ce festival-là, non ?) qui prima donc un film iranien composé de quatre segments. Quatre histoires qui tournent toutes autour d'une thématique précise, celle de l'exécution de condamnés, tâche qui revient en général aux jeunes gens qui font leur service militaire (et dire que chez nous, on se plaint, va, y'en a même plus de service ma bonne dame...). Un devoir, qui, avouez-le, pose un sacré cas de conscience. Rasoulof, à travers ces quatre récits, montre des gus qui ont choisi - ou pas - de se rebeller contre cet ordre ; des choix, dans les deux cas, qui sont lourds de conséquence, forcément.

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Le premier récit est sans doute celui qui cache le mieux son jeu, en nous montrant la vie banale d'un père de famille : des petits tiraillements avec sa femme, normal, des petits accrochages avec sa fille, normal, un véritable dévouement pour sa mère qui n'est plus très en forme, bien, et puis... un petit problème apparemment devant les feux rouges ; une histoire de circulation qui pourrait paraître anecdotique mais qui prépare finement la chute de l'histoire, pour le moins mortelle, elle - un récit qui repose quasiment uniquement sur sa chute, ça frôle toujours l'effet un peu facile ; reconnaissons toutefois ici que c'est plutôt bien amené et que le récit constitue une bonne introduction aux trois autres.

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Le deuxième récit se concentre sur un soldat qui effectue son service et qui doit procéder à sa première exécution ; le type qui a l'allure de Manu Payet flippe sa race et tente de tout mettre en branle pour échapper à ce "devoir" ; on pense que le gars, encouragé par ses camarades apparemment moins "sensibles" que lui au problème, va devoir se plier dans les règles à cet ordre. On se fourre le doigt dans l'œil tant le Manu va tenter de prendre le taureau par les cornes et son propre destin en main - quitte forcément à prendre des risques terribles. Quitte ou double.

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Une pointe d'action, il nous manque forcément un soupçon de romance et ce sera le cas avec ce récit suivant et ce soldat qui a bénéficié de trois jours de perme :  il peut ainsi rejoindre sa chère et tendre et lui souhaiter son anniversaire. Un beau gosse délicieusement romantique, une fiancée fraîche comme une grenade (le fruit, hein) mais des circonstances pour le moins tragiques : notre soldat en permission arrive dans cette famille soudée alors qu'un proche de la famille (fortement engagé) vient justement de disparaître... Notre homme, qui n'a pas la carrure d'un rebelle, va-t-il pouvoir continuer de garder sa crédibilité auprès de ces gens qui n'ont pas l'air de porter le pouvoir dans leur cœur ? Notre homme, on le verra, risquera de payer le prix fort de sa « nonchalance » pour ne pas dire son égoïsme.

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Dernier récit qui nous emmène en pleine cambrousse avec cette jeune fille qui débarque de l'étranger pour passer quelque temps chez son oncle et sa compagne. Rapidement, on sent qu'elle n'est pas simplement là pour admirer les paysages et qu'une révélation que doit faire l'oncle est sur le point de venir bouleverser ce trio. Là encore, il est question d'un choix crucial et de ses conséquences terribles qu'il faut être pleinement capable, même avec le temps, d'assumer.

Quatre histoires iraniennes (la preuve il y a de nombreuses scènes en bagnole) qui mettent en scène des individus face au choix d'une vie (sans ou avec jeu de mots). Un film qui met les pieds dans le plat dans la politique du pays et qui montre à quel point le fait de choisir son camp est une décision capitale en soi (obéir au pouvoir pour ne pas risquer de voir sa vie broyée, désobéir au pouvoir quitte à tout perdre… mais pour ensuite pouvoir vivre la tête haute). Même si la mise en scène de Rasoulof n'a rien d'extravagant, le cinéaste nous montre au besoin qu'il est capable, lorsque l'action s'accélère notamment, de donner le change (lors du deuxième épisode qui part soudainement en vrille ou du troisième épisode : belle course en solo dans cette forêt pour cet individu littéralement à bout de souffle) ; il se montre également au taquet pour diriger ses acteurs tous parfaitement crédibles dans leur rôle (de ce barbu à la coule à cette jeune fille un peu tendre en passant par un Manu survolté ou ce beau gosse tout d’un coup blanc comme un linge). Le fond prend peut-être un peu le pas sur la forme même si Rasoulof montre une belle capacité, dans la lignée des maîtres de son pays, à mettre en scène avec un vrai naturel le quotidien de ses personnages. Un film où chaque acte paraît hautement moral dans un filmage propre et efficace - à défaut d'avoir affaire à un style particulièrement marqué. Bel ours fièrement dressé sur ses deux pattes arrière.  (Shang - 18/10/20)

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J'étais un peu passé à côté de ce film, et cette séance de rattrapage tardive me trouve tout aussi convaincu que Shang de la beauté de ce film. Mon comparse a tout dit, je me contenterai donc d'ajouter mon enthousiasme au sien, de relever que le cinéma iranien est plus que jamais un des meilleurs au monde, que je donnerais 3h30 de virevoltes de super-héros numériques pour trois secondes de discussions dans une voiture, et que ces cinéastes (Kiarostami, Panahi père et fils, Makhmalbaf père et filles, Farhadi, Mehrjui, Ghobadi et maintenant Rasoulof) méritent notre respect total pour arriver à faire des films aussi beaux et aussi politiques en même temps.  (Gols - 08/03/24)

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