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8 octobre 2020

Je t'aime moi non plus de Serge Gainsbourg - 1976

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Décidément, le gars Gainsbourg a bien du mal à nous convaincre en cinéaste. Même si Je t'aime moi non plus peut à la rigueur passer pour son meilleur film, il reste un pénible moment souvent assez gênant, très ennuyeux et finalement complètement vide. Ce n'est qu'au point de vue de la pure mise en scène, ou disons de la technique de cinéma, qu'il passe la barre. Gainsbourg n'est pas manchot avec une caméra, d'accord, et réalise même un montage plutôt habile et quelques plans agréables à l'oeil. Techniquement, le film est abouti, oui, inspiré peut-être des westerns et des films noirs américains ; et musicalement, bien entendu, il y a de quoi s'en mettre plein les oreilles, depuis la chanson-titre jusqu'à cette rengaine, "Johnny Jane", qui rentre immédiatement dans les grandes mélodies du sieur. Même dans les musiques plus fonctionnelles, qui servent à relier les plans, on admire la maitrise de l'orchestration, la puissance des thèmes, la fausse simplicité de ces chansons à deux balles qui parviennent à vous poser une atmosphère moite et sexuelle en moins de deux. Gainsbourg pose son intrgue au milieu d'un grand nulle part, et sait cadrer ces longs champs déserts, ces bars américains tout branlants et ces vastes étendues plates de décharges publiques, de terrains vagues et de parkings pourris. Bref, au niveau du cinéma, ça passe et c'est même ça qui nous tient un peu éveillé face au film.

image-du-film-je-taime-moi-non-plus-avec-Jane-Birkin

Parce que, au niveau de ce que ça raconte, il faut lutter... Je sais bien que ce film date des années 60, que c'était d'autres temps et d'autres moeurs ; je sais bien aussi que Gainsbourg a toujours travaillé dans la provocation, quitte à tirer tous azimuts. Mais ces sorties sexistes, homophobes et racistes finissent quand même par être bien gênantes, et par laisser apparaître un curieux Gainsbourg, attiré par ce qu'il fustige. Le film serait crypto-gay que ça ne m'étonnerait pas, je dirais. Bon : Johnny (Jane Birkin) travaille dans un tripot, où elle est exploitée par un patron pétomane (Gainsbourg et les pets, toute une histoire) ; elle rencontre Krassky (Joe Dalessandro), un éboueur taiseux, et ils tombent raides dingues l'un de l'autre. Sauf que, sauf que, Krassky a la réputation d'être homo, et c'est vrai que l'absence de formes féminines chez la belle Johnny et surtout son impuissance sexuelle face à elle pourraient bien confirmer les rumeurs. D'autant qu'il traîne derrière lui le funeste Padovan (Hugues Quester) et que celui-ci a tout l'air d'être son amant, ce que prouve la jalousie terrible de ce dernier. Le trio rôde autour de la possession, de la sexualité, du désir, et tout ça se terminera bien sûr très mal, tant on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs.

gainsbourg-je-taime-moi-non-plus-20-min

L'essentiel de la chose consiste à filmer Jane sous tous les angles, augmentant son côté androgyne ; et le reste du temps, à balancer quelques clichés sur les homos, les femmes, les Noirs, la virilité, en rigolant assez grassement mais sous cape de ses propres blagues. C'est très douteux, pas fin, et assez consternant : les deux acteurs principaux sont assez redoutables, parce qu'ils sont condamnés à annôner des dialogues très prétententieux sur le sexe et la mort, ce genre de truc. Quand ils baisent, c'est dans des scènes assez gênantes de sodomie, accompagnées des braiements de chèvre de Jane, et encore une fois Gainsbourg montre ça de façon rigolarde et beauf (le "gag" récurrent des voisins dérangés par le bruit). Quester, en roue libre (et quand Quester est en roue libre, ça tâche), caricature son micheton violent et interlope ; Dallessandro fait son habituel numéro de mannequin à la sexualité erratique ; et Jane est filmée comme un objet. Il y a bien Depardieu, dans un rôle anecdotique, ou Michel Blanc, sans moustache, et ça nous distrait un peu de la glauquitude de l'ensemble ; mais ils ne suffisent pas à effacer cette posture de collégien mal grandi dans le regard posé sur les hommes, les femmes, et le rapport entre eux. Finalement, Je t'aime moi non plus ressemble au dernier album de Gainsbourg : torve mais appliqué, provocateur mais ringard, avec quelques traits de génie mais pris dans un magma de pulsions pas très nettes, de déni et de subconscient mal assumé. Un film plus embarrassant que dérangeant...

gainsbourg-je-taime-moi-non-plus-21-min

Commentaires
F
Dans le fauteuil devant moi une spectatrice bien en chair a chuchoté à sa voisine : "elle a les cuisses qui ne se touchent même pas". C'est le souvenir que j'ai de ce film ou du peu que j'en ai vu. Consternant. S'agissant de Gainsbourg, je garde un vieux ticket de métro poinçonné Porte des Lilas : un trou de mémoire, en somme.
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