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10 novembre 2020

LIVRE : Ce qu'il faut de Nuit de Laurent Petitmangin - 2020

"À ce moment-là, quand vous avez décidé de leur tomber dessus, cette fille et mon facho de fils avaient comme seule faute de distribuer des tracts de Le Pen. Je suis d’accord avec vous qu’il ne faut pas être très malin pour faire ça, qu’il faut être particulièrement con, et même passablement salaud de distribuer ces merdes, mais voilà, mis à part tout cela, ils ne vous avaient rien demandé. Ils ne vous avaient pas demandé de croiser leur vie ce jour-là, ils ne vous avaient pas demandé de les déglinguer comme vous l’avez fait."

petitmangin-nuit-5f3e7b81a54c7Petitmangin nous emmène dans l'est de la France pour suivre une histoire de famille douce-amère (douce au départ puis méchamment amère). Dans un style qui se veut familier mais qui demeure joliment travaillé, l'auteur nous met dans la peau d'un père élevant seul ses deux gamins : la mère est morte (lente agonie) et il se fait un devoir de veiller, lui le gars de gauche de la SNCF, sur ces deux ados qui s'entendent à la perfection... Seulement voilà, l'aîné, alors même que le plus jeune monte à Paris pour y poursuivre des études, commence à traîner avec des petits fachos du coin. Pour le père, c'est la honte, c'est l'opprobre, c'est le pire. Comment ce gamin, sur lequel il a veillé, qu'il a éduqué dans le respect des autres, qu'il va voir jouer au foot chaque dimanche que dieu fait, a pu se laisser tenter par cette dérive à la con... Bon père malgré tout il ne tente en rien de lui rentrer dedans, de le conspuer, de le bannir, espérant que ce fricottement se dissolve avec le temps ; seulement voilà, un incident en provoquant un autre, le gamin ne va pas tarder à se retrouver jusqu'au cou compromis dans une sombre, très sombre, histoire... Le père est comme perdu, démuni.

Petitmangin nous fait entrer tout en douceur dans ce foyer, en pénétrant le cerveau du père, en usant de ses mots, de ses expressions. On est très vite à l'aise dans ce style "popu" qui passe dans le gosier comme une petite goutte de poire. Cette petite vie à trois est bien banale, n'a rien d'extraordinaire en soi, mais on y croit et on est vite sensible à ces liens invisibles qui se créent et se tissent entre ces trois hommes. Le plus jeune respecte l'aîné comme un dieu et le père, même s'il ne brille plus guère à l'école, ne cesse de croire en son rejeton. Et puis patatra, tout se casse la gueule, tout se distend, tout se détériore, de par les fréquentations du fils, de par ses acoquinements... Le père reste sur son quant-à-soi ne pouvant prédire ou prévenir la dégringolade, la catastrophe qui va advenir. On comprend totalement ses réactions après le « drame » (d'abord totalement abasourdi puis revenant progressivement à lui, les liens de sang semblant finalement plus fort que tout), l’auteur nous contant par le menu tous les états d’âmes par lequel passe cet homme modeste. Un récit bien mené, une écriture qui colle à son sujet : un premier roman qui nous plonge avec force empathie dans un drame familial qui émeut son homme, sans grand discours, sans misérabilisme, sans complaisance. Juste ce qu'il faut.   (Shang - 29/08/20)


Moui, voilà, c'est un joli petit livre qui se mange sans faim. Son seul défaut est peut-être d'arriver après 127 autres livres sur le même sujet et travaillant sur la même langue. On suit sans problème le monologue de ce père triste et dépassé par son fils, conscients que Petitmangin veut travailler sur la perte de ses enfants une fois l'âge adulte approchant, sur le nécessaire droit à l'erreur de ces années-là, sur l'acceptation "quoi qu'il en coûte" des choix de ses enfants, même s'ils sont à l'opposé des siens. Et il réussit un roman en forme de confession, de mea culpa, où ce père exemplaire reconnaît ses erreurs et ses failles. Oui, la langue est gentiment ouvragée pour donner l'impression d'un langage populaire sans tomber dans les clichés populistes, rien à dire sur l'écriture. Et sur la trame, bon, on ne peut pas dire que ce soit d'une imagination débordante, mais c'est suffisamment bien tenu pour qu'on ait envie de savoir comment tout ça va se terminer. Les descriptions de ces dimanches au bord des stades et de ces "coups de main" entre gauchistes et fachos sont plutôt authentiques, on croit au personnage et on lit ça sans problème. Il s'agit tout de même là d'un premier roman, dans lesquels on attend toutefois un peu plus d'investissement, de fièvre, de nécessité : là, on a l'impression que Petitmangin est un vieux de la vieille des cadres de la littérature française de qualité, et c'est un peu moche...   (Gols - 10/11/20)

Commentaires
A
Belle indulgence pour ce roman - aucune ironie, c'est aujourd'hui une qualité qui, il me semble, se fait rare - ; pour moi, son style se rapproche quand même de celui d'un bon élève de troisième. Allez , qui lit Télérama.
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