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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
3 juin 2020

SERIE : Hollywood - saison 1 - 2020

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L'uchronie est à la mode, comme si Tarantino, notamment, avait remis au goùt du jour cette petite capacité à s'arranger avec le passé. Ah Hollywood, dans l'après-guerre ! Ce monde hyper sexué, hétéro, blanc, dominé par les mâles... Les créateurs prennent volontairement le contre-pied de cet aspect peu glorieux du grand Hollywood en mettant en scène un scénariste black, un réalisateur d'origine philippine, une actrice black, un acteur gay (Rock Hudson, incontournable !) pour jouer dans un blockbuster : l'histoire qu’ils veulent filmer n’est autre que celle d'une jeune fille qui a vu tous ses espoirs de cinoche broyés et qui a sauté du fameux H d'Hollywoodland qui surplombe la ville. Tout un symbole et tout un combat loin d'être gagné d'avance pour cette petite troupe disparate qui va devoir convaincre les pontes des studios du bien-fondé de leur projet - avec un petit coup de pouce du destin puisque le ponte, suite à une crise cardiaque, est remplacé par sa femme ; les femmes, on le sait, sont en avance sur leur temps, plus tolérantes et plus prêtes à prendre des risques : bref plus aptes à assumer leurs décisions.

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On peine un peu au départ à rentrer par la petite porte de cette série : il est surtout question dans un premier temps de prostitution organisée (une station-service qui loue... les services de ses pompistes (…)!), cette petite entreprise permettant (en particulier aux stars d'Hollywood) d'assouvir leurs pulsions sexuelles : femmes entre deux âges cherchant jeunes hommes et jeunes hommes cherchant jeunes hommes. Ça partouze tranquille chez George Cukor, ça se fait sucer par son agent, ça fait grimper au rideau les vieilles femmes esseulés… Bon - un petit pan caché d'Hollywood dévoilé en plein jour. Mais on ne va pas s'arrêter là dans la « provocation » ; ce n'est pas seulement ce qui n'était pas visible, « affichable » qui est montré mais également ce qui n'était pas possible à l’époque - et qui, miracle du cinéma, soudainement le devient. Le black peut laisser son nom au générique en tant que scénariste, une actrice black peut avoir le premier rôle et même Anne May Wong (si, si) peut enfin être reconnue à sa juste valeur. Le film va se monter malgré les pressions du KKK et tentera de faire sa route jusqu'aux Oscars (grand moment d'émotion garantie, je ne sais pas ce qui m'a pris, toutes mes larmes confinées y sont passées, humph).

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Ça part doucement, on est sur un fil avec ce petit jeu entre personnages inventés et personnages « réels » (Rock, Anne, mais aussi Vivien Leigh (pas franchement à son avantage) pour citer les stars mises en avant ici), on se dit que les créateurs sont sur un fil, que les acteurs manquent un peu d'épaisseur, mais on finit par se laisser prendre au jeu de cette uchronie, un peu grossière parfois, mais assez sympa sur le fond. Chaque minorité a son heure de gloire et quand on voit encore aujourd'hui l'ostracisme, envers la communauté gay notamment ou toute autre minorité, on se dit que cette petite pirouette historique est loin d'être déplacée et out of date. Certains personnages sont certes horripilants (l'agent profiteur) mais d'autres sont particulièrement attachants comme ces deux vieilles dames (la directrice de casting et la femme du patron de studio) qui prennent le taureau par les cornes et font montre d'un certain courage - car le vieux aussi est remis à l'honneur dans cette série, minorité un peu sortie des cadres dans le cinéma actuel. C'est parfois sans doute un peu artificiel (le jeu des acteurs loin d'être parfait, les décors un peu primaires et limités) mais la fougue de cette petite bande touchée par la foi sacrée et la réussite finit par être touchante : on se laisse prendre au jeu de leur audace et leur euphorie devient communicative. Même s'il faudra resserrer les boulons et éviter certaines facilités, on est prêt à en prendre une seconde tranche.   (Shang - 06/05/20)

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Mouais... la série commençait sous les meilleures auspices, avec ce ton joliment coloré façon comédie musicale, ces grands scandales dévoilés avec une saine franchise, cette bonne idée d'uchronie développée comme une fable pas très sérieuse. Même si les auteurs enfoncent un peu les portes ouvertes, à l'heure où les petits secrets d'Hollywood ne sont plus secrets pour personne, on apprécie, dans les premiers épisodes, de voir certains faits mis à jour, comme cet injuste oubli de la grande actrice que fut Anna May Wong pour des raisons purement racistes, ou comme la main-mise des directeurs de studios sur la production des films de l'époque. Les héros, gentils clichés assez fun, luttent vaillamment contre les méchants, et si on se dit que, dans la vraie vie, ils auraient duré environ 2 jours avant de se suicider ou d'être avalés par le système, on rigole quand même aux naïvetés du scénario, qui leur accorde succès sur victoires. Ce ton bon-enfant et complètement utopique se retrouve dans le portrait d'Hollywood, avec ses rites à mon avis inventés de toute pièce (la grande prêtresse du studio qui vient choisir tous les matins ses figurants devant l'entrée) et dans le déroulé même de la chose : on est dans l'imagination, dans le positif, dans le feel-good movie, et même la prostitution, même la violence des séances d'essai, même les tractations entre pontes, même l'insoutenable pression portée sur les gays à cette époque, sont traités comme des petits machins funs et rigolos : on s'envoie en l'air dans les stations-services, on râle contre les préjugés raciaux ou sexuels mais on vit à l'air libre ses amours, si on est évincé d'un rôle c'est pour s'en voir offrir un dix fois meilleur dans la semaine, bref tout va à peu près bien, faut pas déconner.

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On aime pendant plusieurs épisodes ce ton naïf. Mais point trop n'en faut, je dirais, et malheureusement, les auteurs finissent par en mettre une cuillère de trop, puis des pelletées dans les derniers épisodes. La beauté d'une uchronie, c'est de nous faire entrevoir ce qui aurait pu se passer, avant de retomber dans la vérité, comme un hoquet de l'histoire, un "et si..." mais qui n'est qu'éphémère. Ici, les auteurs n'entrevoient pas les limites de leur histoire, et en font des tonnes sur la fin. Au lieu de renvoyer ce monde enchanté à sa terrible vérité, ils vont jusqu'au bout (attention, je spoile) : le film se fait, a un succès énorme, remporte 12000 Oscars, les noirs sont reconnus, les homos peuvent se tenir la main dans la rue, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Dans le vrai monde, le film se serait planté, le KKK (qui, ici, ne fait que vaguement planter une croix enflammée sur une pelouse), aurait assassiné la moitié de la distribution, Rock Hudson aurait été fiché à vie et l'auteur se serait suicidé du haut du H du panneau "Hollywood". Mais les gars préfère jouer jusqu'au bout la carte du fun, et inventent un monde complètement déconnecté qui n'a plus rien de crédible ; cette cérémonie des Oscars (qui, à moi, m'a aussi déclenché des larmes, mais de rage) est dégoulinante de bons sentiments et constitue le point d'orgue de l'échec de la série. Tous les gentils triomphent face aux méchants, on se croirait dans un Ron Howard pour les enfants. On aurait aimé que la réalité continue à entrer dans la fiction, et non pas que la série vire à la pure science-fiction. Si suite il y a (et elle s'annonce, avec ce projet de film homo), on aimerait qu'elle soit moins cucul-la-praline et s'engage un peu plus dans son sujet : en livrant une série aussi inoffensive, elle a raté sa cible, et ne fait que donner du grain à moudre à ceux qu'ils prétendaient combattre.   (Gols - 03/06/20)

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