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10 décembre 2019

Eraserhead (1977) de David Lynch

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S'il ne doit rester qu'un film de David Lynch, ce serait finalement sans doute celui-là. Et pourquoi donc ? Pour la bonne et simple raison qu'à revoir la chose des années après l'avoir vu... avec ce bon Gols au cinoche (une reprise, n'exagérons rien, nous n'avons pas biberonné ensemble), on se dit qu'il y a ici toute la matrix de l'imagination délirante de Lynch. A revoir Eraserhead aujourd’hui, on se dit finalement que "tout s'éclaire" non seulement dans son (ultime ?) chef d'œuvre, Twin Peaks le Retour (il y est déjà question d'un homme démiurge, de coup de grisou d'électricité aux moments clé, de sol aux motifs triangulaires...) mais aussi dans Blue Velvet (la troublante femme derrière la porte, sujette à tous les désirs, tous les fantasmes...) ou encore dans Mullholland Drive (le rêve déjanté, la scène - tenue ici non pas par un chanteur d'opéra mais une femme aux joues rotondes - comme échappatoire). Bref, on ne comprend pas toujours la logique complète des enchaînements (soyons honnête), mais on retrouve indéniablement les diverses connexions neuronales cinématographiques du père Lynch.

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Eraserhead quesako ? Bah, pour faire simple, on pourrait dire que c’est THE film qui ne donne pas envie 1) de se marier 2) d'avoir un gosse. Notre pauvre Jack Nance erre dans cette ville sordide ; son ex le recontacte, lui file un bébé à tête de fœtus de lapin sur les bras, se barre. Démerde-toi Jack ! Jack en chie comme une pendule pour s'occuper de cet être gluant hurleur et malade (on est dans le baby blues le plus suicidaire du monde) et a la bonne idée de s'endormir pour échapper à cette chose... Liaison adultérine (fantasmée ? Oui, sans doute) avec la femme d'à côté, esprit vaquant derrière le radiateur à la recherche d'une chanteuse guère accorte mais à la voix paradisiaque et délire total (la peur de se voir un jour remplacé par la progéniture et éradiquer de cette terre ?) en s'imaginant perdre la tête, tête alors transformée en gomme pour crayon à papier (oui, je comprends qu'ici certains froncent les sourcils - merde c'est du Lynch, pas de la petite gnôle). Ce pauvre Jack Nance est à la torture auprès de cette belle-famille horrible (la grand-mère qui sert uniquement de "remueuse à salade" - je peine toujours à m'en remettre ; le père au sourire figé vaut également son pesant de pop-corn), à la torture auprès de sa "compagne" (peu patiente), à la torture auprès de ce gosse aux allures d'alien, suintant de toute part. Alors oui, après, l'esprit s'égare forcément, amoureusement (la voisine prostipute), artistiquement (la chanteuse hamster), créativement (le crayon à papier avé la gomme), sexuellement (cette pluie d'embryons tendrait tout de même à faire croire qu'il vaut mieux réfléchir à deux fois avant d'éjaculer - interprétation toute personnelle, j’en conviens, un peu comme le reste).

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Il y a donc ce fond sur lequel on n'a pas toujours la main (on peut le revoir trente fois, on ne verra jamais la même chose, selon l'humeur, selon les connexions lynchéennes que l'on veut bien faire avec le reste de son œuvre) mais surtout cette forme qui vous broie, vous piège, vous tient pendant 90 minutes dans une sorte d'apnée. Le travail sur le fond sonore (un classique du genre) y est pour beaucoup (vous sortez de la salle, vous êtes bon pour deux mois d'acouphènes) mais il y a aussi ce travail sur l'image, sur les cadres (la façon de filmer les intérieurs), sur les effets spéciaux (ce lapin mort-né fout franchement les jetons) qui participe pour beaucoup à cette impression anxiogène. Jack Nance et son regard figé, Jack Nance et sa coiffure simpsonnesque atroce, Jack Nance et sa démarche syncopée dans cette ville grisâtre et merdique ont également leur petit rôle à jouer dans cette impression terriblement hypnotique que laisse ce film. Ces 90 minutes passent comme un souffle et l'on se réveille soudainement tout surpris de retrouver un monde en couleurs et encore vivant autour du soi. Un objet cinématographique (et eugénique...) qui gardera à jamais son aspect halluciné, démoniaque, sombrement terrifiant – avec des éclairs de lumière. A revoir et revoir.

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