Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
28 avril 2019

Le Fantôme de Yotsuya I & II (Yotsuya kaidan / Shinshaku Yotsuya kaidan: kōhen) (1949) de Keisuke Kinoshita

vlcsnap-2019-04-28-16h49m22s466

vlcsnap-2019-04-28-16h47m31s731

On continue de se faire plaisir en découvrant l'œuvre de Kinoshita qui nous emmène cette fois dans l'ère Edo : opportunisme, meurtre, démon et mauvaise conscience, voilà en quelques mots le résumé de cette sombre histoire ; une histoire réalisée donc en deux parties avec à chaque fois son lot de morceaux de bravoure visuels (la fin des deux parties laissent résolument pantois). Pour tenter de la faire simple, on commencera par évoquer ce personnage de ronin un peu frustré : viré par son ancien boss (pour un vol qu'il n'a pas commis), il tente malgré tout de couler des jours paisibles auprès d'une certaine Oiwa qui l'aime paisiblement ; seulement voilà, lorsqu'il drague une jeune fille de très bonne famille et ce avec le petit succès attendu (elle ne jure plus que par lui), il met le doigt dans un engrenage infernal. Poussé par un individu diabolique (Osamu Takizawa is Naosuke, un des pires enfoirés de l'histoire du cinoche), il va se mettre en tête d'épouser la jeune fille - le plus simple pour cela, étant bien sûr de se débarrasser dans un premier temps de son épouse ; pas évident quand on l'aime quand même un peu et qu'on a rien à lui reprocher...

vlcsnap-2019-04-28-16h48m39s824

vlcsnap-2019-04-28-16h47m05s633

Ça part sur un rythme tranquille après, en ouverture, une bien jolie évasion de prison (un travelling de toute beauté pour débuter ce film sur les chapeaux de roue ; on aura d’ailleurs tout du long notre quota de panoramiques au cordeau et de scènes parfois en plan-séquence bénéficiant d’une mise en scène et d’une caméra au taquet) ; Kinoshita nous présente les divers personnages qui gravitent autour de ce ronin qui se tâte avant de « passer à l'acte » : la soeur d'Oiwa (la mizoguchienne Kinuyo Tanaka), sa servante (l'ozuyenne et narusienne Haruko Sugimura), un ancien amoureux d'Oiwa (Keiji Sada) qui après quelques années passées en prison veut revoir sa belle, la mère d’icelui (Chôko Iida) et j'en passe... L'action se concentre surtout sur la stratégie mise en place par Naosuke pour pousser notre ronin un peu perdu à accepter ce nouveau mariage d'intérêt et à lui donner un coup de main pour "écarter" (définitivement) sa femme... La pauvre, disons-le, passera plus souvent qu'à son tour à ça du gouffre... Noyade, brûlure, empoisonnement, la pauvre se retrouve avec une douzaine d’épées de Damoclès suspendues au-dessus d'elle... Le problème, c'est que notre ronin est parfois tenté, mais recule toujours, au dernier moment, pour dézinguer celle qui a toute confiance en lui... Il n'y a qu'à voir la torture défigurant le visage de notre homme, lorsque sa femme est censée (hors-champ) boire un poison, pour comprendre que tuer quelqu'un est plus facile à imaginer qu'à faire - surtout un proche, hein. La scène où la caméra ne cesse d'aller d'un visage à l'autre (elle va se décider à boire ou non, il va l'arrêter ou non) est tendue comme un slip en skaï. Le final de cette première partie sera quant à lui proprement époustouflant, plein de douleur (l'agonie de), de sauvagerie (le meurtre de) mais aussi sidérant de poésie - les deux personnages sacrifiés qui quittent la scène en douceur, l'un tenant l'autre dans ses bras et marchant à pas feutré (un grand moment de grâce).

vlcsnap-2019-04-28-21h59m19s045

vlcsnap-2019-04-28-21h59m50s222

On saute bien sûr illico sur la seconde partie (une petite heure seulement au compteur, après un « préviously in Le Fantôme de Yotsuya » qui reprend les six dernières minutes de la première partie sans montage (pour les ré-apprécier à leur juste valeur). Une seconde partie où notre ronin qu'on sentait déjà pas solide solide va franchement se liquéfier (pas facile de voir partout le fantôme de sa femme après qu’on l'a détruite). Son diable de bras droit, Naosuke, se fait encore plus serpent (chantages, menaces, trahisons, meurtres), tenant son rôle de putasse royale avec une belle rigueur. Quelques moment là encore de haute volée (le meurtre plein de sauvagerie d’un témoin du double assassinat, les coups de folie du ronin dans la nuit qui menace toute la maisonnée, les intrusions vénéneuses de Naosuke dans l'intimité des gens (la sœur d'Oiwa, le père richissime de la jeune fille avec laquelle le ronin s'est finalement marié…) et un final pour le coup proprement infernal : nos deux larrons en foire, nos deux démons, le ronin et son pote maléfique vont forcément terminer leur route de façon démentielle, lors d'un incendie dantesque. Kinoshita, après avoir soigneusement pris le temps de dessiner ses personnages, nous livre un drame plein de bruits musicaux (une BO assez époustouflante qui fait monter la tension avec de belles envolées) et de fureur sanglante (chaque assassinat tourne au pugilat, pour ne pas dire au massacre). Pas de code d'honneur ici chez ces deux personnages ignobles, l'un rongé progressivement par le remord, l'autre sombrant dans l'obscurité jusqu'à y disparaitre à jamais. Du très beau cinéma ma foi pour un conte de la sombre folie humaine ordinaire. Kinoshita, valeur sûre.

vlcsnap-2019-04-28-21h58m10s131

vlcsnap-2019-04-28-21h58m50s431

Commentaires
Derniers commentaires