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23 février 2019

The Addiction d'Abel Ferrara - 1995

addiction

Certains Ferrara ont du mal à passer l'épreuve du temps, et c'est malheureusement le cas avec The Addiction, qui m'avait laissé un souvenir enthousiaste à sa sortie. Non pas dans la mise en scène, brillantissime, mais plutôt dans le fond de la chose, dans ses dialogues un peu pompeux et son scénario too much : le christianisme doloriste de Ferrara, qui fit tant de merveilles, est ici poussé jusqu'à des excès un peu fatigants, et on se retrouve devant un film assez fumeux, qui se prend au sérieux comme pas possible alors que son fond est quand même assez décalé, qui prend beaucoup de poses là où il aurait fallu lâcher peut-être un peu de lest au niveau du ton général. Bon, cette engueulade passée, notons quand même que le film est toujours aussi visuellement parfait et aussi formellement tenu. On a même là certainement le film le plus abouti de son auteur au niveau de la vision et de la mise en scène.

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Au retour d'une séance de cinéma sur les horreurs de la guerre, Kathleen est victime d'une agression par un vampire, prostituée qui lui fait le fameux death kiss connu depuis Dracula. Dès lors, sa vie va dériver : d'abord malade et désespérée par son état (une soif éternelle de sang, un manque qui s'apparente à celui de la drogue), elle va peu à peu réagir (sous l'influence d'un maître franchement SM) et rallier dans ses rangs, morsures aidant, tout un tas d'individus, de son directeur de thèse à sa copine de fac, d'un dragueur occasionnel à quelques bourgeois de passage. Bref, le monde interlope des vampires s'organise. Dans un noir et blanc hyper contrasté et qui fait des merveilles, Ferrara déconstruit cette descente aux enfers physique et morale avec une force impressionnante. New-York est filmée comme un maelström d'ombres et de stries de lumières, entièrement gagnée par la nuit (symbole de la déchéance morale de son héroïne), où les formes humaines sont bien souvent à peine reconnaissables dans la noirceur générale. Le film renoue ainsi aussi bien avec les fulgurances de Murnau, dans les oppositions de contrastes très fortes et les formes symboliques, qu'avec toute une tradition du cinéma urbain américain, de Scorsese à Romero. Il s'inscrit dans une histoire du film de vampires, sans aucun complexe, mais prolonge le trait en faisant de la ville, lieu de toutes les perditions, un prolongement de l'état psychique de Kathleen, une sorte de projection fantasmatique de son état. Il faut bien le dire : on a rarement vu la ville aussi bien rendue, de façon aussi amère en même temps que magnifique, et on a rarement vu aussi un film affronter aussi bien les rapports entre un territoire et un personnage. De ce côté-là, on est bluffé par ce "petit" film, qui sait avec aussi peu de moyens être aussi puissant visuellement.

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Mais face à cette forme brillante, remplie des scènes impressionnantes (la première attaque de la pute, le "massacre" général lors de la fête, l'initiation-domination de Christopher Walken, livide et effrayant), il faut se taper un discours assez fumeux sur le Mal qui est en nous, sur la transmission du pêché, sur la culpabilité inhérente à l'Homme. Contrairement à l'autre film de genre de Ferrara, le superbe Bodysnatchers, celui-ci refuse d'aborder les choses sans y coller un message assez lourdaud, ne faisant pas assez confiance au genre. Après les interprétations nombreuses de ses prédécesseurs, de la menace du Sida aux fléaux de la drogue, Ferrara, avec son jansénisme culpabilisant, choisit la voie religieuse pour raconter son histoire : il y aurait une Faute originelle dans tout être humain, impossible à étouffer, et qu'on se transmettrait ainsi de l'un à l'autre sans qu'il soit possible de se racheter. Les délires habituels du gars, qui apparaissent très souvent dans ses films, trouvent là leur limite, et le film est définitivement attaché à un cinéma comme on en faisait dans ces années-là, un peu prétentieux, un peu verbeux, un peu intello-chiant. Tant pis : The Addiction restera comme un des films les plus "beaux" de Ferrara, à défaut de son plus passionnant.

Pelicula-de-vampiros-TheAdiction

Commentaires
O
C'est quand même le film avec la meilleure scène de pot de soutenance de thèse de l'histoire du cinéma. J'y pense à chaque fois.
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