SERIE : Il Miracolo de Niccolò Ammaniti - saison 1 - 2018

Voilà une très agréable série venue d'Italie, où on sait développer des personnages et prendre le temps nettement plus que les voisins outre-Atlantique. Il y a dans Il Miracolo une sorte de rythme nonchalant, assez lent, qui n'exclut nullement l'intérêt et la tension, mais qui permet de mieux comprendre la psychologie des uns et des autres et de nous donner à regarder quelques caractères particulièrement bien dessinés. Le tout à travers une histoire édifiante bien que rocambolesque, et dans un écrin de mise en scène grand cru bien agréable à regarder. Un vrai plaisir, donc.

La série part d'un événement improbable : la découverte, dans les affaires d'un mafieux local qu'on vient d'arrêter, d'une statuette de la Vierge en plastoc qui pleure du sang humain. Un miracle en bonne et due forme qui va heurter de plein fouet la réalité d'une poignée de personnages divers et variés : un prêtre déviant, alcoolique et obsédé sexuel, oui un prêtre quoi, qui va être proprement renversé par cette vision ; le premier ministre, agnostique et cartésien, qui, à quelques jours d'un référendum décisif pour sa carrière, va peu à peu se persuader qu'il est victime d'une malédiction divine ; la femme de celui-ci, infidèle et dépressive, qui va peu à peu faire glisser ses priorités dans la vie ; un général qui se lance dans une quête quasi-mystique sur les origines de la statue ; une jeune chercheuse qui se jette sur les traces de l'ADN du sang expulsé par la statue ; et quelques soldats frappés de foi, complètement hypnotisés par l'objet, tenu bien gardé des médias et des curieux. Tous, façon Théorème moderne, sont bouleversés durant quelques jours par cette apparition inexpliquée, et les fois vacillent, et les bilans moraux sont en roue libre, et les expérimentations sur la statue s'avèrent de plus en plus inexplicables, tout ça se déroulant sur fond social et politique particulièrement tendu. Du bon matériau donc pour cette série qui sait merveilleusement manier les tons, passant de la comédie sociale au drame et du thriller moral au polar. Le contexte est parfaitement rendu, la politique de l'Italie moderne (pour ou contre un Italexit ?) venant percuter de plein fouet ce miracle inexpliqué, faisant ainsi se rejoindre les deux tendances du pays : le mysticisme (parfois proche de la bigoterie) et le scandale politique gangrené par la corruption (représenté ici presque à lui seul par ce prêtre torve, crasseux, immoral en diable). Le réalisateur brosse dans le même film toute une histoire de son pays, finalement, en restant dans la minuscule anecdote (certes fantastique) de cette statue pleurant du sang ; on apprécie par ailleurs de voir cet épanchement envisagé de façon scientifique et empirique par la jeune femme qui se sert de la science moderne (analyse d'ADN, reconstitution faciale par ordi) sur un matériau ancestral (les croyances chrétiennes) pour obtenir l'improbable vérité : le visage du Christ.

Même si la série ne tient pas toutes ses promesses, à cause notamment de plusieurs pistes qui sont à peine esquissées (notamment celle du pouvoir de guérison du sang versé), de la richesse d'une trame qu'on a du mal à contenir sur quelques épisodes seulement, et de quelques épisodes inutiles (le quasi-viol de la scientifique lors de son enquête), on reste parfaitement intéressé par cette histoire. L'épisode final est un peu décevant, s'en tirant par une petite pirouette alors que la trame était très ambitieuse (mais c'est peut-être pour préparer une saison 2) ; mais tout le reste est super, grâce à la force des interprètes (ce Guido Caprino a de la graine de comédien morettien) et du concept. Il y avait de quoi avoir des doutes sur le papier, un miracle qui bouleverse la vie de ceux qui y assistent c'est douteux, mais le résultat est là : c'est palpitant, drôle et tragique à la fois, et on se prend à se passer un épisode de plus alors qu'on avait juré d'aller dormir. Excellent moment.