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Shangols
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21 septembre 2022

La Villa (2017) de Robert Guédiguian

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La Villa est un film à l'ambiance et au rythme un peu mortifère mais qui creuse millimètre par millimètre son petit sillon dans notre esprit empreint de nostalgie (je parle pour les plus vieux d’entre nous, hein, les meilleurs, ceux à l’ancienne comme la moutarde). Il est ici beaucoup question de mort ou tout du moins d'approche de la mort : suite à l'accident cérébral du pater familias, trois enfants (Ascaride, petite actrice sobre, Meylan, petit restaurateur sobre, Darroussin, petit ouvrier raté qui a mis ses idéaux dans son slip) se réunissent dans la grande villa familiale qui surplombe la mer. L'occasion forcément de régler des comptes (l'absence d'Ascaride pendant 20 ans... suite à la mort de sa fille alors seule chez son père), de faire des bilans, des projets (reprendre le resto du pater tous ensemble ?), de se faire lourder (Darroussin par la jeune Anaïs Demoustier qui en a marre de son cynisme perpétuel), de faire des rencontres (Ascaride flirtant avec le jeune Robinson Stévenin)... Tout un petit monde qui pense au "bon temps du passé" tout en sachant qu'il est bien derrière, tout un petit monde qui avait un idéal, qui l'a pas forcément atteint, mais qui aimerait garder encore éventuellement quelques valeurs de base dans ce monde qui "fout le camp" (une jeunesse ultra productive, des promoteurs immobiliers qui pètent tout...). L'arrivée de bateaux de migrants dans les environs pourrait être l'occasion pour chacun de montrer qu'une petite part d'humanité et d'humanisme est toujours profondément ancrée en eux...

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Guédiguian pourrait faire un film de vieux con (il a le droit, il commence à avoir l'âge qu'il faut), en ne faisant qu'évoquer ce passé « mirifique », sans technologie mais avec des rapports humains forts (solidarité : l'épisode de l'arbre de Noël ; amitié et inconscience : l'extrait de l'un de ses anciens films avec nos trois compères en virée), ou encore en se complaisant à mettre dans la bouche de ses personnages (en particulier Darroussin qui se bacrise avec l'âge) des propos un peu border line (mais merde, je plaisante... ou pas). Le rythme au départ est tellement lent, ces vieux tellement grabataires qu'on a peur du film de trop, comme calibré pour les maisons de retraite... Heureusement, on a foi en le Robert (on sait qu'il est de l'ancienne gauche, la vraie, la pure, celle qui t'emmerde) et même si l'on rentre à pas feutré dans ce petit monde familial qui échange plus des réparties que des longs dialogues, on apprécie progressivement cette densité humaine qui filtre à travers les pores de chacun (ce très beau plan où chacun, tous réunis après la mort du vieux couple de voisins (oui le croque-mort a fait son blé pendant le film), fume une clope, comme un moment de communion et de solidarité retrouvées, quelque vaporeux qu'il soit). C'est avec le même soin que cette petite famille qui finit par se "réapprécier" va prendre en charge ces trois gamins migrants échoués... La chtite gamine est un peu trop belle, les deux gamins qui se prennent la main un peu crognons, mais on en veut pas au Robert pour ces quelques facilités cinématographiques tant l'on sent une véritable croyance en le sujet : aidons-nous les uns les autres, ce sera la seule façon de réveiller les vieux démons positifs du passé, de retrouver enfin son identité (la séquence finale de l'écho des prénoms sous le pont qui finit par faire tourner la tête du père statufié : métaphore). Une villa faite d'agglos parfois un peu lourdauds mais avec une terrasse qui forme un bel arrondi moderne, une villa en quelque sorte un peu vieillotte mais qui sait encore concentrer en son foyer une bonne dose de chaleur humaine. Du Guédiguian bon cru quoi.   (Shang - 01/04/18)

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Guédiguian est un pur, c'est clair, un de ceux qui est resté droit dans ses bottes malgré les injures du temps. C'est donc le sujet de ce film : comment les idéaux meurent ou non dans notre société marchande, comment rester fidèle à sa jeunesse et se méfier de LA jeunesse, est-il possible, oui ou merde, de garder un coin d'utopie dans cette pute de vie ? Comme symbole de ce paradis perdu où la solidarité, l'entraide, l'humanisme et le maoïsme ont encore leurs entrées : une villa grand crin, avec vue sur la mer, loin du tumulte, dans les faubourgs de Marseille. Lieu qui représente certes un îlot naturel magnifique, édenique, mais qui pourrait aussi représenter la bourgeoisie installée. C'est en son sein que vont se retrouver des personnages gentiment archétypaux, tous représentatifs d'un état moral pris au temps T : de Darroussin, qu'on sent malheureux comme un pou d'avoir dû renoncer à ses idéaux marxistes, à Demoustier, prête sans se poser de question à vendre ce paysage au plus offrant, on a tout un spectre du renoncement ou de la lutte inentamée. Meylan est resté poing levé, Ascaride a dû mettre quelque eau dans ses cocktails molotov pour vivre sa vie, les voisins préfèrent eux se retirer poliment de ce monde trop pourri pour eux. Difficile, oui, de vivre, dans le monde d'aujourd'hui quand on a été un pur et qu'on a des velléités de le rester. Il faudra l'arrivée de ces petits migrants pour que la famille se soude à nouveau autour d'un combat juste et commun.

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Le film est d'une sincérité totale, que c'en est même émouvant à plein d'endroits. On y sent un cinéaste vieillissant, malheureux que ses idéaux ne soient plus guère partagés aujourd'hui, soucieux de ressusciter le temps d'un film une certaine forme d'harmonie. Il le fait avec les moyens du bord, qui sont soit magnifiques (son scénario, Darroussin, la construction du film), soit maladroits (Meylan, les détails très appuyés de la trame, le fond un brin naïf), suivant les moments. Il vous serre littéralement le cœur quand il vous balance une rengaine de Bob Dylan sur fond de jeunesse indignée ou quand il touche du doigt ce sentiment de vieillir, de renoncer ; mais il vous agace aussi dans ses dialogues lourds, trop explicites, notamment concernant les migrants (parfaits enfants trop mimi, effectivement) ou les rapports avec les flics. Dommage également qu'il ait trop chargé la mule côté secrets familiaux, avec le personnage d'Ascaride hanté par la mort de sa fille ou cet agaçant personnage de marin amoureux (Stévenin jr, en surjeu et en charge de dialogues impossibles). Il eût mieux fait de rester dans la simple histoire de convictions qui se réveillent le temps d'un deuil, dans les rapports frères/frères ou frères/soeur très fins, ou dans les somptueux dialogues de fin de couple : là, il touche, il arrive même à bouleverser dans les tout petits détails. Rien à dire : c'est de la belle ouvrage, et même les nombreuses maladresses participent au charme simple et direct de la chose.   (Gols - 21/09/22)

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