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30 mars 2018

La Femme infidèle de Claude Chabrol - 1969

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Chabrol nous balance dans la tête un de ces objets froids comme une lame qu'il savait faire parfois dans ses grands moments inspirés. En surface, La Femme infidèle respire le drame bourgeois, les déchirements sur les belles nappes blanches et dans les grands jardins à balançoire ; sous la surface s'agitent des sentiments "humains trop humains" ravageurs. Aidé par des acteurs absolument imparables dans la non-émotion (Michel Bouquet et Stéphane Audran, RIP), il réalise un de ses films les plus tranchants, et un de ses plus intelligents.

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Charles Desvallées (lire le nom pour son aspect dégringolade) est marié et heureux, père d'un garçon sage, propriétaire d'une belle maison à rosiers, entouré d'amis et de livres. Mais il a des doutes sur la fidélité de sa femme : coups de téléphone mystérieux, absences injustifiées. Il engage un détective qui lui apporte très vite la mauvaise nouvelle : oui, Hélène fréquente Victor Pégala (Maurice Ronnet, bizarrement maquillé mais super en contre-point de Bouquet). Cette découverte, loin de détruire le couple, semble étrangement le ressouder : Charles travaille le mal à la racine, et tue l'amant. Commence alors un subtil ballet de "Je sais que tu sais mais je ne sais pas si tu sais que je sais", où les deux bougres, enchaînés par leurs conventions bourgeoises et leur pudeur, ne se parlent pas, mais où l'étau policier se referme sur eux (superbe Duchaussoy en flic)... jusqu'au plan final, absolument génial, dans lequel on mesure toute la portée politique du film : le meurtre semble bien être l'acte qui ressoude le couple, leur amour se développe au maximum quand il est avéré que Charles a défendu son honneur et rattrapé les manquements de son mariage...

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Le film prend le risque d'être tellement diaphane qu'il en devient transparent, monocorde. Et c'est vrai que parfois l'étouffement menace devant ces scènes du quotidien tellement lissées et propres sur elle : Chabrol travaille un milieu qu'il connaît parfaitement, la bourgeoisie, ses codes, ses petitesses, son confort usé ; et il insuffle là-dedans une intrigue de boulevard. Mais en restant toujours dans les codes bien-pensants de son univers, il propose un film opaque, parfois trop cérébral. Le premier tiers, notamment, peine à vraiment convaincre : la caricature du petit couple aisé est un peu trop poussée, on ne voit pas où Chabrol veut en venir. Ensuite, lors de la rencontre avec Ronnet (une merveille de dialogues acérés à double-tranchant, assurément une des plus belles scènes du cinéma de Chabrol), puis de son meurtre, on passe presque dans un autre film : le film copie le modus operandi de Psycho avec gourmandise, y ajoute d'autres éléments hitchcockiens (le flic qui intervient pour un vague accrochage alors qu'il y a un cadavre dans le coffre), et le film semble suspendu, happé par ces gestes "professionnels". Ensuite, dans la dernière partie, la plus belle, Chabrol lâche les chiens, tout en restant dans le glacial de surface, les personnages sont comme densifiés par l'acte du mari. Enfin, ce très beau travelling arrière puis latéral qui conclue le film donne la clé en quelque sorte de tout ce qu'on vient de voir. Il aura fallu attendre 1h40 pour comprendre où le film voulait en venir, c'est casse-gueule, mais le résultat est superbe. Un fim vénéneux et chabrolissime.

Commentaires
P
Plus qu'un objet froid, pour moi, c'est le feu sous la glace. Un pur objet de cinéma par un réalisateur au sommet de son art dans sa période la plus inspirée, sa période pompidolienne.<br /> <br /> Chabrol invente un concept, le film qui ne dit rien mais qui exprime tant. C'est du grand cinéma.
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