Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
11 novembre 2015

SERIE : Les Revenants saison 2 - 2015

les-lieux-de-tournage-des-revenants-reperes-par-un-fan-en-haute-savoie,M106242

La saison 1 m'avait ravi, la saison 2 me comble. Avec une cohésion parfaite (et malgré le retrait dommageable d'Emmanuel Carrère au scénario), Fabrice Gobert creuse le sillon entamé avant et prolonge le fond déjà impressionnant mis en place il y a deux ans. La première saison posait la question : "comment accueillir chez soi des proches dont on avait pourtant fait le deuil ?" (et toute la mythologie orphéique et romantique qu'elle entrainait) ; la seconde est consacrée à une question non moins capitale : "comment accepter de voir partir ceux qu'on aime ?" Nos amis les morts, qui étaient revenus en masse régler quelques comptes ou simplement reprendre leur place de jadis, décident cette fois de retourner d'où ils viennent, le souci étant que les vivants se sont remis à tenir à eux, et que la séparation n'est pas simple. Chaque petite histoire est placée sous le thème douloureux de la séparation, et chacun devra apprendre à laisser partir qui leur enfant, qui leur frère, qui leur amant. La série est ainsi nimbée d'une profonde mélancolie, et Gobert ralentit encore plus le rythme, pose des ambiances encore plus allanguies et délétères, peint tous ces décors dans un gris bleu encore plus triste, pour nous montrer toute la douleur de ces êtres pris dans la fatalité des adieux.

arton76199

La deuxième saison amène pas mal de personnages nouveaux, tant du côté des morts que des vivants. On voit avec plaisir arriver Laurent Lucas et sa mine d'accablé ou cette palanquée de jeunes gens formant un quasi-gang au sein des revenants. Mais ce sont les personnages récurrents qui font le plus plaisir à voir, le scénario gérant parfaitement leur évolution vers des sentiments encore plus finement dessinés et intéressants : les rapports de Céline Sallette (vraiment épatante) avec le petit Victor, qui constitue finalement la pièce maitresse du puzzle ; la recherche désespérée et obsessionnelle de Frédéric Pierrot pour retrouver sa famille ; les rapports de Tony, le serial-killer, avec son père ; ou la dérive mentale de Clotilde Hesme, enceinte façon Rosemary's Baby d'un petit revenant ; sans parler de toutes les histoires presque policières qui jalonnent cette histoire complexe : tout est intéressant, et la série parvient à entraîner tous ces personnages dans un seul mouvement, dans une seule tonalité d'ensemble. C'est grâce à la mise en scène, remarquable, qui trouve le juste milieu entre un réalisme à la française et une étrange atmosphère onirique. Le rythme très lent, la direction des acteurs vers un expressionnisme discret, l'utilisation formidable du décor naturel (barrage, étangs, forêts, village abandonné), la musique de Mogwai, et surtout cette façon parfois de ramasser à nouveau toutes les cartes dans sa main dans des plans d'ensemble amples qui englobent tous les personnages, tout ça donne une magnifique cohésion à l'ensemble ; une originalité, aussi, qui peut rebuter si on ne rentre pas dans ce cinéma faussement réaliste, qui joue sur le faux plus souvent qu'à son tour, sur l'artificiel, sur le fantastique en un mot. Pas de scènes directement issues de films d'horreur (à part un curieux épisode zombie où une fille dévore sa mère !), mais une ambiance morbide vraiment prenante et très bien sentie.

498276

Côté scénario, on joue sur une subtile symbolique là aussi très bien rendue par la mise en scène. Les morts se sont retranchés à part, dans un village situé de l'autre côté d'un lac, mais la frontière entre leur monde et celui des vivants est poreux. Dans un esprit presque espionnage, il y a des taupes de chaque côté, des morts chez les vivants, des vivants chez les morts, qui s'observent, se déchirent et s'aiment comme avant. Il y a a ceux qui tentent de tirer profit de la situation (le directeur des "Mains ouvertes" qui devient une sorte de despote adepte de la torture), ceux qui ne se remettent pas de la séparation, ceux qui tentent de comprendre le pourquoi de la chose ; et il y a surtout ceux qui refusent, qui veulent rester là ou partir avec les morts, selon les situations. L'histoire convoque ainsi tour à tour le thème d'Orphée, celui des films de fantômes, celui de l'amour éternel, celui de l'ange révélateur (le gars Victor en Messie mutique), le tout en abordant aussi le polar, le thriller, le film romantique et le mélodrame. Le dernier épisode est carrément bouleversant, on dit adieu à chaque personnage comme on en ferait le deuil. Bref, tout ému à nouveau devant cette série foncièrement originale, superbement écrite, et surtout, fait rarissime, réalisée avec une cohésion parfaite du début à la fin. Malgré la très légère ouverture de la dernière scène vers autre chose, on sent que Les Revenants va s'arrêter là, et c'est bien : il faut arrêter les choses quand elles sont à leur sommet.

Les-Revenants-que-verra-t-on-dans-la-saison-2

Commentaires
Derniers commentaires