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7 mai 2014

LIVRE : Extension du Domaine de la lutte de Michel Houellebecq - 1994

51WW9SAQYMLIl est tellement de bon ton de taper sur Houellebecq que j'ai voulu relire ce premier roman 20 ans après, histoire de faire contre-poids en vantant les mérites du brave gars. J'avais le vague souvenir d'une errance désabusée en province opérée par un quadra sans passion : c'est à peu près ça. Dès son plus jeune âge (hum), Houellebecq était déjà tout disposé à sombrer dans la dépression profonde et à nous entraîner à sa suite. La description du quotidien de cet être banal aux temps de la mondialisation et du consumérisme galopant est ausssi terne que juste, et d'autant plus terne qu'elle est juste. C'est peu de dire que l'auteur se vautre dans le triste quotidien ; frôlant même souvent la complaisance, encore pas tout à fait à l'aise avec les jeux de mots ou l'humour en général, avec une propension parfois voyante à systématiquement chercher le motif le plus sordide qui soit concernant les rapports hommes/femmes, la télévision ou le capitalisme, il orchestre une sorte de minuscule musique de chambre fracassée et désaccordée sur le monde d'aujourd'hui, parfois pataude, parfois roublarde, souvent géniale.

Surtout, il parvient dès ce premier roman à imposer une plume qui ne doit rien à personne. Malgré son évident goût pour la littérature classique (mais peut-être plutôt celle des "petits maîtres", des Carco, des Calet), il crée un style à la limite du fonctionnel, empruntant à l'argumentaire scientifique ou sociologique, souvent d'une platitude terrible (sujet-verbe-complément), un style d'aujourd'hui, quoi, qui ne rechercherait ni la beauté ni la séduction, mais dont le terne épouserait celui de la trame ; et puis, subitement, il est capable d'envoyer un souffle incroyable, de se faire romantique, prophétique ou lyrique : les dernières pages sont dôtées d'une superbe puissance, héritée sans doute des poèmes qu'il écrivit avant. On reconnaît tout de suite notre Michel : capable du cynisme le plus désespéré, puis adepte d'une esthétique classique, presque académique, qui renverse tout à coup le texte. Il est vrai qu'avec le recul, ce roman manque un peu d'épaisseur, n'a pas encore la fulgurance de Plateforme ou de La Possibilité d'une Ile, qu'il est assez mal construit (3 parties mal équilibrées), et qu'on y frôle même, je l'avoue, l'ennui dans ces digressions démonstratives sur la laideur de la province. Mais tout de même : voilà un auteur à suivre, m'est avis, et qui ira loin, vous pouvez me croire.

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