Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
26 août 2015

Rêves d'Or (La jaula de Oro) de Diego Quemada-Diez - 2013

1111

Sur le papier, on s'attend à l'éternelle cascade de bons sentiments et de dignité oecuménique (Quemada-Diez a été l'assistant de Ken Loach, ce qui augmente le soupçon) : l'odyssée d'un trio d'ados qui tente de franchir la frontière entre le Mexique et les States, avec ce qu'il faut de cavales dans le maquis, de solidarité et de drames, on se dit, oula. On a bien tort : voilà un film très intelligent et très tenu, qui évite la plupart des écueils et s'avère un très joli portrait d'enfance en même temps qu'un exemple d'écriture. Pour exagérer un peu, le réalisateur se fout un peu de son sujet principal, l'immigration clandestine. L'intéressent plus le cheminement intime de ses personnages, et son parallèle possible avec la traversée d'un territoire et d'une "histoire du monde". Bon, je m'explique, je vous sens pantois.

reves_d_or_photo_1

Pendant tout le film, on a l'impression que Quemada-Diez filme une sorte d'Eden retrouvé : on y voit des enfants souriants courser des poulets, danser la salsa ou jouer aux premières amours, sur un décor de forêt vierge, tout à la joie de l'aventure. L'un des petits héros a même un physique à la Tom Sawyer, et le fait qu'il soit Indien (du Guatemala), donc d'un autre dialecte, ajoute encore à cet aspect primaire de l'esthétique : il s'agit pour ce groupe d'ados de découvrir le monde, apprendre à communiquer, s'ouvrir à l'amour, expérimenter la mort (très belle scène de mise à mort d'une poule), se dresser contre les adultes. Un petit monde certes rude et injuste, mais que nos trois petits héros découvrent avec un entrain et un intérêt communicatifs. Complètement privés de passé, puisqu'ils entrent dans le film presque brutalement, comme s'ils avaient toujours été là, ils sont les Adam et Eve du Mexique, traversant le jardin des Délices avec énergie. L'ambiguité étant bien sûr que leur seul but est de quitter cet Eden pour aller se frotter à l'Enfer, les Etats-Unis, gardé d'ailleurs par un Cerbère dont on n'apercevra que le funeste fusil à lunette. Très loin du misérabilisme, mais sans non plus occulter la dureté du voyage, le film joue sur cette curieuse idée, sur cet intéressant parallèle entre la Genèse et le Mexique d'aujourd'hui.

92131103

Il le fait dans une forme passionnante : superbement éclairé, le décor naturel est regardé avec passion. Les plans simplement contemplatifs sont nombreux, filmés depuis des trains par exemple, ou à travers les branches des forêts.  Quemada-Diez aime de toute évidence les paysages tantôt arides tantôt luxuriants de son pays, et nous les fait voir à travers le regard encore plus subjectif des enfants. On y découvre un réseau de personnages solidaires, dignes et joyeux, même si la cupidité est souvent aussi de mise. La mise en scène alterne ainsi des moments de tension et des moments de plénitude, parfaitement équilibré. Et les deux ou trois coups de théâtre qui viennent donner au film des virages à angles droits sont parfaitement bluffants. On regarde ce récit initiatique sans trop savoir, du coup, qui est le vrai héros de cette histoire, se projetant tour à tour sur chacun des ados (dont les postures vis-à-vis des évènements sont très différentes, et du coup embrassent tout le spectre des émotions, de la peur à la joie, de la rebellion à la pitié). Les petits acteurs sont d'ailleurs impeccables. Dommage que le final soit un peu appuyé, et vienne presque en contradiction avec l'atmosphère presque onirique de l'ensemble. Mais tant pis pour ces 5 dernières minutes : Rêves d'or est à la fois radical et simple, épuré et riche ; un bien beau film sur le passage à l'âge adulte et sur l'appréhension du monde. (Gols 09/03/14)


vlcsnap-2015-08-26-21h26m16s76

Je suis d'accord avec mon pote Gols et ce d'autant que je viens de l'avoir en visio-conférence en direct-live et que je le trouve très beau. Je ne vais pas revenir sur cette analyse si fine du "territoire" (Gols étant plus un gars de terroir qu'un géographe - il situe Mayotte dans les Bermudes et pense toujours qu'on a 12 h de décallage horaire), peut-être un peu plus sur le fait qu'il s'agisse d'une version guatémaltèque adolescente de Jules et Jim (Oui, c'est plus fort que moi, à toutes les sauces, d'autant que le guaqamol... mais je dérive). Quemada-Diez amène très joliment ce quidam indien sous le charme duquel, bien qu'il ne parle point la même langue, la chtite héroïne va tomber - la phrase est retorse, le film l'est moins. Forcément le petit copain de notre héroïne (un gars bas du front, fort en gueule mais beaucoup moins dans l'action) va être jaloux à mourir et envoyer balader à plusieurs reprises ce petit pignouf qui leur colle aux basques. L'héroïne fait le lien, pour ne pas dire le pont entre les deux, et c'est elle qui va donner de la cohésion à ce trio ; ce trio, comme le soulignait Gols, est embarqué avant toute chose dans une aventure intime : du flirt à l'attirance sexuelle, du mépris à l'amitié à la vie à la mort. Quemada-Diez, contrairement à d'autres sur le même thème, ne joue pas dans l'ultra-violence et nous coupe d'autant plus un bras ou un doigt à chaque fois qu'il y a un brusque rebondissement - alors même que ce trio se soude de l'intérieur, des éléments extérieurs vont faire imploser la chose. Quemada-Diez ne joue jamais sur les retournements de situation à la con (un personnage disparaît, va-t-on le recroiser plus tard ? Nan) et cela permet à la chose d'avoir une belle patine réaliste. Un film au ton juste, point "film du monde" - pas si courant de nos jours. Beau premier essai. (Shang - 26/08/15)  

vlcsnap-2015-08-26-21h25m22s50

Commentaires
N
Je vais en downloacher un ou deux, alors.<br /> <br /> Et ne manquerai pas de te faire part de mes retours - de bâton.
Répondre
L
En imper rouge, la môme K., chapeau et lunettes et accompagnée d'un mec, heu, disons, heu, très très très "bohème"........!!!<br /> <br /> Dommage pour Kenneth Loach (enfin pour vous plutôt ). C'est le genre de cinoche où je pourrais me faire suer (et m'en faut peu pour accéder au sommeil pelliculaire comme vous savez ). Mais, avec lui, jamais. Pas du tout bonnet de nuit, ses films Cloachdo. Ni calibrés. Très sincères au contraire. <br /> <br /> Ladybird c'est 'achtement bien. Kès me prend aux tripes. Family Life aussi. Raining Stones. Le vent se lève. Si, si . Du pur cinéma. Pas que du militantisme bas du front. Quelques ratés, oui (Carla's song) ; mais ça reste toujours intelligent sur la forme. J'aime ses sujets pas du tout barbants (et je me barbe assez vite, cf: mon bouc et mes favoris à la fin de, au hasard, mettons, un Wes Anderson).<br /> <br /> Ce qu'il dit , et comment il le filme, m'épate souvent.
Répondre
G
Je n'aime pas Ken Loach, c'est mon mantra.
Répondre
P
Vous avez quelque chose contre Ken Loach ? <br /> <br /> Je l'aime bien, moi. <br /> <br /> Tiens, encore pour glousser comme des choucas, et toujours parce que rien à voir... et croyez-le zou pas, mais taleur, ce lundi, à 15h00, y avait... Anna Karina qui flânait vers la rue Dauphine. C'est mieux que Dujardin hier, quasi au même endroit, je vous le fais pas dire, wé.
Répondre
Derniers commentaires