Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
14 janvier 2014

L'Ange rouge (Akai tenshi) (1966) de Yasuzô Masumura

vlcsnap-2014-01-14-10h10m53s60

Revenant de France avec quelques films nippons dans ma besace, je pense bien encore pouvoir découvrir et vous faire partager deux trois petits trucs de derrière les fagots. Cet ange rouge n’a rien à voir avec un quelconque ange bleu puisque l’action du film a lieu dans un hôpital japonais en territoire chinois. La guerre fait rage et les blessés s’accumulent à la pelle ; on suit les pas de la belle infirmière Nishi (sublime Ayako Wakao) qui, après un contact relativement frontal avec ce monde d’hommes réduits au rang de bêtes (elle se fait violer le soir même de sa prise de fonction), va tout de même tenter contre vents et marée d’amener un peu de douceur, pour ne pas de féminité, dans ce monde brutal et sanguinolent… Elle fera ainsi tout pour tenter de sauver son violeur (reparti sur le front et revenant mortellement atteint) en salle d’opération - échec, donc -, d’apporter un soutien affectif (et sexuel) à un manchot (après une nuit dans ses bras (je parle forcément de ceux de l’infirmière ou c’est vraiment que vous le faites exprès) notre homme se suicidera : double échec), avant de finir dans le lit du chirurgien du camp… impuissant.  Une liaison vouée à l’échec alors même que les Japonais sont en pleine déroute militaire? Pas sûr, si l’on considère que quelques grammes d’humanité apportée par un ange ne sont jamais totalement perdus… même en plein milieu d’un champ de ruines.

vlcsnap-2014-01-14-10h11m59s207

vlcsnap-2014-01-14-10h12m09s38

Il faut, de bon matin, avoir le cœur bien accroché pour subir moult amputations (le bruit de la scie sur l’os alors même que le patient hurle à la mort n’est jamais agréable), moult opérations (tiens, on a retrouvé dans l’estomac de cet homme les codes qu’il avait avalés - recousez, il n’y a plus rien à faire ; tiens un obus à exploser dans le sacrum de cet être - recousez, j’ai peur de le rendre impuissant) ou encore moult tentatives de sauvetage désespérées (c’est pas beau à voir une prostituée qui meurt du choléra…). Mais justement, notre infirmière, au milieu de toute cette misère humaine et de ces horreurs, tente de tenir le choc et de proposer un peu d’amour en ces temps de choléra. Alors même que notre chirurgien se shoote à la morphine et a depuis longtemps fait une croix sur toutes parties de jambes en l’air, Nishi va tout faire pour ranimer sa virilité, pour ranimer sa dignité… Une goutte d’eau d’espoir dans cet enfer… mais une goutte d’eau d’espoir quand même.

vlcsnap-2014-01-14-10h08m16s16

vlcsnap-2014-01-14-10h05m54s145

Masumura ne prend guère de gants pour rendre compte des passages sur le billard (un sang noir prend irrémédiablement possession des blouses blanches), filme un seau de jambes amputées comme on peut filmer un seau de jambes amputées (no comment) et sait faire preuve d’une immense pudeur dans les quelques séquences d’amour - ce corps blanc de Nishi mêlé au corps tanné de ces hommes. C’est surement là que réside la grande force du film : parvenir au milieu de ce musée sanguinolent des horreurs à nous transporter, à nous faire croire à ces parenthèses de pur désir, de pur amour filmé avec un tact magistral (le simple jeu de la lumière sur ces corps qui s’emmêlent). Malgré l’indéniable dureté de l’ensemble, Masumura parvient à nous faire pleinement croire à l’existence de cet ange… rouge. Impressionnant tour de force, indéniable réussite - sans oublier la musique magnifique de Sei Ikeno.

vlcsnap-2014-01-14-10h12m53s234

Commentaires
Derniers commentaires