Blancanieves (2013) de Pablo Berger
Un film espagnol, en noir et blanc, muet, qui reprend la trame de Blanche-Neige sur fond de corrida et de castagnettes ?! On se dit, tiens, il doit bien y avoir là-dedans de quoi trouver son bonheur, voire, pourquoi pas, la première petite perle de 2013… On est prêt à savourer notre petit plaisir. Un départ pour le moins violent et sanglant avec ce torero blessé par son taureau (il devient paraplégique) et cette femme, la sienne, qui meurt en couche… La suite est tout de même un peu plus légère et charmante avec cette petite fille aux yeux de poupée élevée par sa grand-mère. Seulement patatras, la grand-mother meurt en dansant d’une attaque d’apoplexie… La petite fille est alors conduite dans l’immense demeure gérée par sa mégère de belle-mère (une cruelle infirmière qui a sauté sur l’opportunité d’épouser son père richissime alors que celui-ci était encore dans le gaz et sous le choc de la perte de sa femme…). La belle-mère après s’être occupée définitivement du père, cherchera à régler le sort de cette jeune fille en fleur… Celle-ci frôlera la mort (…) avant de connaître une seconde vie auprès de six nains (oui six, ne me regardez pas comme ça) auxquels elle montrera ses talents (innés) de matadorette... Le reste est une question de pomme et de fatalité...
Alors c’est vrai qu’on aimerait bien aimer cette petite chose désuète et charmante. On voudrait se noyer dans les yeux de la gamine toute mimi quand elle joue avec son coq (que sa cruelle belle-mère mettra à mort et donnera à manger à la gamine effarée… La salope… La chtite ne pourra se retenir de vomir à la vue de son fidèle compagnon cuisiné (c’est un peu comme moi avec les épinards ; est-ce que j’ai eu plus jeune des épinards comme animal domestique ? Cela me paraît peu crédible)) puis dans les yeux de cette jeune fille belle comme le jour et féline comme… euh… et féline. Malheureusement, avec toute la bonne volonté du monde et l’ouverture d’esprit qui me caractérisent (j’entends des raclements de gorge gênés), j’ai bien eu du mal à vraiment tomber sous le charme de cette historiette.
D’où vient le blème ? De cette musique constante et bateau qui se fait un devoir de surligner chaque émotion ? De cette actrice (la belle-mère) qui à force de faire des grimaces ressemble plus à une mauvaise actrice de porno qu’à une actrice du muet... ou encore de cette autre (la jeune fille) qui joue constamment la bouche ouverte pour avoir l’air naïf (?) ? De ces six nains (à l’exception de l’un d’eux, plus beau gosse et plus grand - disons de la taille de Bastien, ce qui reste relatif - qui tombe amoureux de la jeune fille blancheneigisée) maquillés à la truelle et habillés en tenue de carnaval… Oh oh oh, le nain est rigolo… A quand un comité de défense pour les nains ?… Non, les nains ne sont pas des jouets que l’on peut ridiculiser à l'envi...) De ces effets de style « genre », très lourdauds (un méchant faustisé pris en ultra contre-plongée, ce plan affreux avec des mouchoirs qui encadrent l’arène (trop c’est trop), de cet insert sur la pomme que donne la méchante à Blanche-Neige (tu connais le coup de la pomme ? Putain, tu m’étonnes, je connais mes classiques quand même) pour bien nous faire comprendre qu’elle est empoisonnée - alors tu vois, la méchante a pris une seringue, a mis du produit dans la pomme et maintenant celle-ci est mortelle ce qui est subtilement symbolisé par cette tête de mort sur la pomme…) ? De ce côté un peu niaiseux et stéréotypé de l’ensemble (la petite fille qui court autour du paraplégique, attends… j’avais écrit le même genre de cliché en quatrième dans ma rédac sur les relations jeunes/vieux : j’avais dû avoir 4 et c’était pas volé, m'est avis…) ?
J’étais pourtant prêt, disais-je, à succomber (bel état d’esprit avant la vision de ce film que j’ai réussi à dénicher miraculeusement (…)) au sourire de cette chtite et de cette jeune fille avec la bouche en cœur, franchement j’ai tout fait pour me faire tout chamallow pour fondre devant ce « conte modernisé dans son écrin des premiers temps du cinoche »… mais non, enfin guère. On ne passe pas un moment désagréable, non, c’est juste qu’au bout d’un moment on a plus tendance à voir les « petits » défauts de la chose qu’à s’émerveiller devant les quelques belles réussites visuelles (ce linge blanc qui devient noir en étant trempé dans une bassine alors que la chtite vient de perdre sa mère, le très beau plan final, les plans larges sur cette foule qui se rend à l’arène, quelques beaux mouvements de corrida même si je ne suis pas fan du truc…). Bref, un peu déçu par cette ambitieuse tentative qui tombe un peu dans la facilité et où, à mes yeux, la « magie cinématographique » a du mal, dans l'ensemble, à vraiment opérer. (Shang - 01/02/13)
Tout aussi peu passionné que mon camarade, avec lequel je partage la plupart des impressions sur ce film (sauf sur les épinards, mais on va pas rentrer dans les détails intimes). C'est joli techniquement, on se dit que l'équipe a bien dû se prendre la tête pour obtenir un aussi beau noir et blanc et des cadres aussi vintage ; mais pendant ce temps l'équipe d'auteurs était certainement en vacances, puisque le film est aussi vide qu'une arène vide. C'est toujours le problème de ces films hyper marqués stylistiquement : ils oublient de raconter des trucs. Admettons donc qu'il s'agit simplement là d'un hommage au cinéma d'antan, il faudra s'en contenter, même si pour rendre hommage au cinéma d'antan j'ai un peu tendance à préferer les films d'antan. Dans un goût assez douteux, Berger tente donc de recréer les films de divertissement des premiers temps du cinéma, mélodrame en tête, bon. Je serai moins sévère que mon compère sur la facilité des effets pour sur-expliquer les choses (le coup de la pomme avec la tête de mort) : ça fait partie du jeu, et si on revoit le Faust de Murnau par exemple, on voit des lourdeurs tout aussi maladroites. Berger est du coup assez habile techniquement pour rendre expressifs ses plans (toutes les scènes de corrida sont très bien montées, et il y a une sorte d'humour dans le simplisme de la symbolique qui fait mouche). C'est la seule chose qui fait qu'on ne coupe pas le fiilm à mi-chemin : il est très bien fait, à partir du moment où on accepte ce goût douteux (c'est espagnol, hein, c'est donc assez rococo).
Mais comme le Shang, je me suis retrouvé un peu sur ma faim en constatant combien ce bazar clinquant est creux et vain. Même du côté du conte vénéneux pour enfants, ça ne va pas assez loin (la fin est pourtant pas mal), ce n'est pas assez terrifiant : pour une scène cauchemardesque de dégustation de poulet, il faut se fader le jeu outré de cette sorcière d'opérette qui ne fait vraiment pas peur, qui annule à peu près toute trace de soufre dans cette histoire. Berger la charge à mort (allant jusqu'au sado-masochisme (c'est mal) dans ses rapports avec les hommes), mais ne réussit qu'à fabriquer un pantin jamais inquiétant. On aimerait trouver quelques traces de Victor Erice dans ce portrait d'une enfance au milieu des fantômes (le père est raté, pas assez ambigu ; les nains ne sont pas envisagés dans leur difformité ; même les taureaux paraissent gentils), mais tout ça reste dans le domaine du film jeune public. Le but recherché est complètement raté, donc. C'est beau comme une pub. (Gols - 22/12/13)