Stars in my Crown (1950) de Jacques Tourneur
Un corps sain, c'est bien. Un esprit sain c'est mieux. Tourneur nous amène dans une petite bourgade ricaine où un pasteur (Joel McCrea) reigne comme un demi-dieu bienveillant sur ses ouailles. Depuis qu'il a sorti ses flingues dans un bar, le jour même de son arrivée en ville, pour pouvoir effectuer son premier sermon, il est respecté de tous. Un pasteur tendance paternaliste qui tente toujours de remettre à sa place le gars qui déconne : on ne joue pas au fouet pour effrayer ses petits camarades et hop un croc-en-jambe au lasso pour que l'autre se ramasse la tronche dans la boue ; c'est pas volé, tout le monde rigole grassement, même la victime, on est dans le meilleur des mondes). L'histoire est racontée avec un gros grain de nostalgie par le fils adoptif du pasteur, John (Dean Stockwell himself - eh oui le fameux Ben de Blue Velvet - 14 printemps à l'époque) qui passe en revue les différents personnages du village : le bon vieux black à la coule avec lequel il va pêcher, le type un peu niais du village nommé Chloroform, le gros moustachu prospère, le jeune docteur sur les nerfs qui prend la suite de son pater, l'agriculteur païen et ses douze fils blonds... Ambiance rurale, légère et gaillarde, c'est pas qu'on s'ennuie mais c'est presque un peu trop gentillet pour qu'on se passionne à fond.
La première tuile (et le premier réel rebondissement dans cette "chronique villageoise") va venir lorsque John va chopper la typhoïde ; s'il s'en sort, la maladie, elle, s'étend et va toucher une bonne partie des gamins du village : on assiste alors à une sorte de passation de pouvoir entre le pasteur - guérisseur des âmes, accusé par le docteur d'avoir propoagé la maladie : il a effectué une visite à l'école alors qu'il venait tout juste de voir son fils malade - et ce même docteur - guérisseur tout court - qui va tenter de venir en aide à chacun... Notre pasteur se morfond, lui qui était le grand consolateur de tout un village : il passe au second plan, décidant de vivre reclus dans sa casa. La belle idée du film, c'est que l'on passe en une demi-seconde de l'empoisonnement des corps (l'eau du puits de l'école n'était pas potable, ciel) à celui des esprits : Tourneur, après avoir, en deux plans et trois phrases, définitivement réglé son compte à la maladie, enchaîne avec les images de notre bon vieux black pris à parti par des membres du Ku Klux Klan... Si le docteur a pu se faire une place dans le coeur des gens, c'est au tour du pasteur (qui a déjà quasiment ressuscité une malade grâce à la prière : la foi plus fort que le foie (pardon...)) de montrer tout son savoir faire pour raisonner et guérir ces âmes infectées. Véritable personnage fordien qui prend la parole devant une foule encapuchonnée et qui, sans arme, avec le poids des mots et un soupçon d'intelligence, parvient à gentiment ramener dans le troupeau ces petits loups racistes et couillons. La morale est sauve, tout le village, réconcilié, a la banane, le prêche du dimanche affiche complet, le meilleur des mondes disais-je... Le film préféré de Tourneur parmi les siens, avis pas forcément partagé préférant généralement le côté sombre du gars... Ce film relativement "lumineux" (en dehors des enfants mourants et des séquences du KKK...), avec son petit côté capra-esque, demeure toutefois un bon divertissement familial - au sens noble, of course.