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Shangols
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12 mars 2024

La huitième Femme de Barbe bleue (Bluebeard's Eighth Wife) (1938) d'Ernst Lubitsch

Je me suis vraiment fendu la pipe de bout en bout à la vision de cette comédie sublimement écrite par Brackett et Wilder, interprétée par un Gary Cooper de haute volée et une Claudette Colbert en pleine bourre et mise en scène par le magicien Lubitsch. Ce n'est peut-être point au niveau du rythme que le film ensorcelle, mais plutôt au niveau de la finesse des dialogues et du comique des situations. Lubitsch prend son temps pour développer certains gags - la scène d'ouverture est un modèle du genre avec un Gary qui insiste pour n'acheter, dans une grande boutique de la Riviera, qu'un haut de pyjama sans vouloir payer pour le pantalon dont il n'a point l'usage : branle-bas de combat dans l'établissement (le vendeur qui va voir son boss qui se rend chez le vice-président qui téléphone au président qui sort de son lit... sans bas de pyjama) - et enchaîne les séquences poilantes avec une facilité déconcertante. Gary Cooper dans un registre pince-sans-rire fait des miracles (son monologue final dans la maison de repos ("Je vais bien : hier il faisait beau, aujourd'hui il fait beau, demain il fera beau" - ad lib - m'a fait rire comme une hyène au grand dam de mes chats) et on serait franchement prêt à s'enquiller dans la foulée l'intégrale Lubitsch s'il ne fallait point parfois bosser...

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Gary Cooper est un milliardaire ricain de passage sur la Riviera et ne va pas tarder à tomber raide dingue de la gate Claudette. Après une première rencontre où chacun finit par faire le fier, Gary tombe par hasard sur un type portant le bas de son pyjama (il avait fini par se partager un pyjama avec la Claudette - à l'affût d'une ptite économie - dans ce grand magasin) qui n'est autre que le père de cette donzelle. Cooper n'est pas du genre à ce qu'on lui résiste et va insister lourdement pour demander la Claudette en mariage. Celle-ci, juste avant la noce, tombera de haut en apprenant qu'elle est... sa huitième femme (le titre avait beau nous mettre sur la piste, la façon dont Gary raconte ses multiples périples amoureux est à mourir ("-Vous avez divorcé sept fois, alors !!!! s'exclame-t-elle ; - Euh, non, six, l'une d'elle est morte, répond-il flegmatique")) et la Claudette, non sans avoir réussi à assurer ses arrières en cas de divorce, est bien décidée à lui mener la vie dure... La lune de miel à Prague est un fiasco total - les deux se croisant chacun dans une "gondole" (... ben ouais) et se saluant du bout des lèvres, j'en ris encore - mais il s'agit encore pour l'heure pour le Gary que d'un avertissement. Elle semble en effet bien décidée à lui pourrir la vie jusqu'au divorce et la Claudette, pour ce faire, en a sous le pied...

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On a droit à un catalogue de situations loufoques et burlesques que l'on aurait presque envie de décrire par le menu : le Gary, en panne d'inspiration pour dompter sa femme, qui se lance dans la lecture de La Mégère apprivoisée, va rejoindre, gonflé à bloc, la Claudette dans ses appartements, lui fout une baffe, s'en prend une, retourne à sa lecture, repart à l'attaque, lui inflige une fessée et revient tout dépité... après s'être fait mordre le genou ; la Claudette, jamais en reste pour inventer des coups tordus, loue un amant-boxeur pour donner une leçon à son mari, boxeur qui finira par allonger son meilleur pote - David Niven - venu malencontreusement lui rendre une visite surprise, un Niven qui s'en prendra d'ailleurs plein la tronche durant toute la soirée ; lorsque le Gary pensera enfin arriver à ses fins en saoulant malicieusement sa femme, celle-ci dans un ultime sursaut de lucidité croque des tiges d'oignon avant de lui permettre de l'embrasser... Notre Gary finira cette bagarre "sentimentale" écœuré, exténué, accordera le divorce et tentera de retrouver des forces dans une maison de repos aux allures de maison de fous (du type en cure parce qu'il se prenait pour une poule, au père de Claudette qui parvient à pénétrer dans cet "asile" en aboyant, il y a encore dans cette ultime séquence une folie douce qui fait franchement marrer). Lubitsch, qui plus est, utilise souvent la musique avec une grande finesse (elle parvient à traduire l'émotion des personnages sans qu'il soit besoin d'une ligne de dialogue explicative), réussit avec un simple bruit (une machine à écrire arrivant en bout de ligne) à faire un gag mortel (ce pauvre David Niven, qui se retrouve secrétaire malgré lui et n'a jamais tapé de sa vie, pense qu'il s'agit de la sonnerie de la porte d'entrée : la suite de la séquence s'"enquille" parfaitement avec cette absurde méprise) et le tout est sincèrement un régal. La Neuvième Femme de Barbe bleue, ça n'existe pas ?... c'est bien dommage ma foi.  (Shang - 12/01/11)  

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 Moi, aussi, emballé outre mesure par la finesse des dialogues, le rythme incroyable, le talent des acteurs (et de tous les acteurs, du plus célèbre au plus petit figurant) de ce film que j'ai bien dû voir 7 ou 8 fois, toujours scié et toujours surpris devant ces purs génies que sont Wilder à l'écriture et Lubitsch à la mise en scène. C'est l'âge d'or, que voulez-vous, le sommet de la montagne. Le moins qu'on puisse dire, effectivement, c'est que les dialogues fusent et pétillent, et que les seconds sens sont légion. Ce que je préfère là-dedans c'est la subtilité des gags, qui font confiance au spectateur sans appuyer, qui ont le sens de la connivence avec le public. S'il faut vraiment jouer les grincheux, j'avoue avoir un peu de mal à comprendre les personnages à mi-chemin du film : pourquoi Nicole devient-elle odieuse avec Michael sitôt qu'elle apprend qu'il a déjà eu sept femmes ? Pourquoi partent-ils en voyage de noces alors que leur mariage bat de l'aile dès le départ ? A-t-elle des amants ? Bref : quelle est l'origine de leur dispute ? J'avoue que ça me laisse perplexe, et ça m'a empêché d'apprécier pleinement tout le milieu du film. Epaté pour autant par l'invention constante de Lubitsch, mais ayant du mal à trouver les enjeux réels de cette comédie du remariage, je suis admiratif d'une pure forme, d'un emballement rythmique parfaitement tenu, d'une virtuosité, plus que d'un scénario. C'est le principe des comédies de l'âge d'or, je le reconnais. C'était juste pour apporter ma petite part de mauvaise foi sur ce chef-d’œuvre brillantissime. (Gols – 12/03/24) 

 

Commentaires
M
Vous abattez de la belle ouvrage avec votre liste de gauche ! Chapeau bas !<br /> <br /> Plus que les K. L. M... à peine à une escale du but. Bravo ! <br /> On croise les doigts afin de conjurer le cadeau de Canalblog pour les 20 ans.
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