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21 mars 2010

Chotard et Cie de Jean Renoir - 1933

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Une petite rareté à se mettre sous les yeux, c'est toujours bon à prendre, surtout quand il s'agit du Roi Jean aux manettes. Autant le dire pourtant : Chotard et Cie n'ajoutera rien à la carrière du maître. Il est marrant et pittoresque à souhait, c'est sûr, mais en même temps il est très maladroit et assez rachitique au niveau du scénario. En gros, tout est centré autour du personnage de Charpin, sa gouaille légendaire, sa mauvaise foi éternelle et ses grandes colères surjouées de Marseillais. Ca suffit souvent à satisfaire l'oeil, le bougre, en roue libre, nous donnant un numéro assez rigolo pour peu qu'on aime le cabotinage. Mais c'est bien dommage que Renoir n'ait pas vu plus loin quand même.

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On retrouve aisément les inspirations du Jeannot dans cette critique de la petite bourgeoisie satisfaite de province. Chotard, épicier parvenu et grande gueule, règne en tyran sur son commerce, ses employés, sa femme et sa fille ; quand celle-ci épouse le poète local, il manque de s'étrangler, mais fait avec, du moment qu'il trouve là un nouveau bras à moindre frais pour sa boutique. Le petit gars obtient le Goncourt, pas moins, et Chotard voit là un moyen de gagner plus de blé. C'est le combat entre la bourgeoisie inculte et satisfaite et la liberté de l'artiste, rien de nouveau. On sent que, même si Renoir est plutôt du côté du deuxième que de la première, il ne trouve l'humour que dans ces personnages triviaux de notables de province, gendarmes, sous-préfets, commerçants ignares et forts en gueule. Le poète, interprété sans esprit par Georges Pomiès, est péniblement caricatural, sussurant des vers à deux balles à la jeune première énamourée : on ne croit pas une seconde à sa subite gloire littéraire, et il est ridicule. Renoir ne sait pas comment le filmer, lui réservant ça et là quelques gags qui tirent en longueur (la petite danse quand il est assommé par un bibelot est trop longue de 5 secondes au moins). Par contre, Charpin, dans la deuxième moitié en tout cas où il prend les traits d'un Monsieur Jourdain grotesque, a droit à tous les bons moments, qu'il partage avec une pauvre saucisse de gendarme tout fât. La lutte des classes est jouissive, certes, mais réduite à cette dualité entre vénalité creuse et poésie surrannée, elle perd de sa puissance. On préfèrera La Règle du Jeu.

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Au point de vue de la mise en scène, ça reste du très bon travail. Ca commence d'ailleurs sur un plan-séquence assez vertigineux, où Renoir fait exister son décor et le bouillonnement de l'activité dans la boutique avec brio. Jusqu'au bout du film, il restera dans cette jolie attention à l'arrière-plan, rendant chaque scène crédible et dynamique, donnant, comme à son habitude, à chaque petit rôle son importance. C'est joliment enlevé, bouillonnant d'activité, bon enfant dans les portraits caustiques de ce petit monde, et ça suffit à notre bonheur. Avec une écriture un peu moins fade, Chotard et Cie aurait pu être un charmant coup de boule à la Chabrol contre la bourgeoisie : là, ça reste un peu au niveau de la comédie de boulevard.

Renoir est tout entier ici

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