Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
11 mars 2010

Sang pour Sang (Blood Simple) de Joel et Ethan Coen - 1984

vlcsnap_2010_03_11_19h13m50s254Sur les conseils pressants de JJ et de princecranoir, retour sur l'oeuvre primale des Coen Brothers. Merci, du coup, aux deux sus-cités, puisque Blood Simple est assez proche du génial, et vient nous rappeler quels grands formalistes furent les frères à une époque (encore aujourd'hui, allez d'accord, mais quand même...). Un peu comme certains fabriquent des épures de western, ce film revient à la base des règles du jeu du film noir. En 1984, il ne reste certainement plus grand-chose du genre, et c'est la grande force de ce film que de revenir au schéma le plus simple possible. Ne demeurent que les motifs "sine qua non" : le flingue, le privé verreux, la blonde, le sang. Blood Simple ne raconte rien, il serait inutile d'y chercher un quelconque fond ; mais il est d'une élégance plus que brillante dans cet exposé des recettes du genre, livrées à leur plus simple expression.

vlcsnap_2010_03_11_19h55m33s201Le jeu de piste hyper-sophistiqué et pourtant aussi pur qu'un haïku mis en place par les Coen constitue le seul plaisir de ce film. Et on se rend compte que c'est mille fois suffisant. Les plans, étirés au maximum comme il se doit, apparaissent comme de simples références mille fois vues dans les films des années 50 : jeux élégants d'ombres et de lumières, silence pesant, dialogues rares et ambigus, musique stressante, qui va tuer qui et comment ?, point barre. On s'émerveille devant l'absurdité totale de la trame (ces morts pas vraiment morts mais morts tués par des gens qui vont se faire tuer), surtout parce qu'on constate que ça tient : peu importe ce qui nous est conté, seule importe la mise en scène, le jeu, le puzzle retors, la jouissance d'être dans des codes ultra-conventionnels et d'y prendre plaisir comme au premier jour. Les Coen utilisent un écheveau de gros plans très variés, destinés à capter la goutte de sueur, le petit détail macabre qui soulèvera l'angoisse, les rapports entre les personnage, la contenance de la violence. Quand elle éclate, c'est dans des cadres sublimes, véritables hommages au Aldrich des grands jours, où la lumière strie les corps, où la tension accumulée explose en quelques dixièmes de seconde dynamiques à mort. Fun, c'est le mot, pour désigner ce plaidoyer pour un cinéma de genre disparu, traité ici vlcsnap_2010_03_11_20h37m07s45en mythe éternel se suffisant à lui-même ("It's the same old song" en thème principal). Fun, mais aussi délicatement stressant, maîtrisé à la perfection, d'un modernisme étrange (dû peut-être justement à cet aspect vintage des costumes, des personnages, des ambiances), et surtout, surtout, d'un humour noir merveilleux. On reconnaît bien là nos Coen préférés, ceux qui vous font marrer avec un poignard planté dans une main, une gerbe de sang, ou un visage hideux. Blood Simple n'est qu'un exercice de style, certes ; mais quel style, et au service de quelle mise en scène !

Commentaires
M
Reçu en son temps comme un objet trop référentiel (Hitch, Cain, Orson TouchOfEvil Welles et les autres) pour prétendre sérieusement à devenir une indiscutable grande œuvre et bien trop vendu sous le double et réducteur axe indépendant, happyfioument Sundancien d’une part et autofinancé de l’autre (à la mode Evil Dead), pour être envisagé aujourd’hui de manière toute aussi simplificatrice comme un simple et brillant brouillon de l’œuvre à venir (préfigurant tout jusqu’à Fargo), cette première frasque de la fratrie Coen est pourtant un sacré putain de fichu film.<br /> Sur une trame de film noir surclassique, quasi-éculée (trio mari-femme-amant + privé fouille-merde), Joel et Ethan posent en effet un regard, appliquent un ton, tricotent savamment une atmosphère magnifiant l’affaire dans bon nombre de registres. De l’excellente partition du prochainement fidèle Carter Burwell aux mouvements de camera maniéristes (tout ces travellings au ras du sol, cette géométrie trompe-l'oeil et ses profondeurs de champs bravaches !) directement issus de la (trop ?) grande fréquentation avec Sam Raimi (avec qui ils collaboreront, autour de Mort sur le Gril, d’Evil Dead (donc, où Joel faisait de l’assistanat), Arizona Junior, Miller’s Crossing), des cadrages et éclairages léchés (et n’ayant pas autant vieilli que ceux de Mann et son Manhunter (ou encore ceux des Besson-Beineix d’alors, remember !)) au ton trouvant un équilibre béni entre sarcasme et franc premier degré, tout concourt à distiller une atmosphère unique, forte de partis-pris payants (la distanciation (clinique/désincarnée) paradoxalement impliquante du spectateur) et de scènes d’anthologie (où (comme chez Peckinpah, Fulci (et donc Tarantino…)) on enterre volontiers vivant !): le nettoyage de la crime scene de Marty (jusqu'à la "brève évasion du corps"), l’ahurissant « duel final » entre Abby et l’abject privé (Emmet Walsh dans son meilleur rôle ?) à l’impact durable.<br /> Un sacré putain de fichu film, culte assurément (il en a tous les stigmates !) valant bien mieux que l'anecdotique qu'on lui a toujours supposé donc, condescendament.
Répondre
G
Ah il vaudrait mieux commencer par un Aldrich ou un Lang, m'est avis, les Coen travaillant plus sur une épure du genre et attaquant la chose par son biais historique. Ce qui n'empêche qu'il faut absolument voir Blood Simple, avant ou après les autres !
Répondre
C
Voilà qui donne très envie de le regarder ! <br /> <br /> J'ai toujours voulu découvrir le genre, à vous lire, il me semble tout indiqué pour démarrer...
Répondre
Derniers commentaires