Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
18 juillet 2009

LIVRE : Retombées de Sombrero (Sombrero fall out) de Richard Brautigan - 1976

retomb_es_de_sombrero_brautiganIl est bon parfois de revenir à ses premières amours et cette lecture éclair du génial Brautigan conforte tout le bien que j'ai toujours pensé du gars; à tel point que si je ne me retenais point, j'enquillerais avec l'ensemble de l'oeuvre - mais je me retiens, me revoilà bientôt sur les routes après cette trêve moulinoise. Que dire de Retombées de Sombrero si ce n'est que c'est du bonheur à l'état brut et que tout bon lecteur curieux devrait se jeter dessus si ce n'est déjà fait (shame on you, fis-je, pour la forme): un sombrero qui tombe du ciel à moins trente et un degrés et qui va provoquer l'émeute du siècle dans une petite ville américaine, un véritable cataclysme à la hauteur du désespoir de ce pauvre narrateur que sa compagne japonaise vient de lourder. Le récit hilarant et sanglant de ce sombrero prend forme indépendamment alors que notre écrivain a jeté dans la corbeille à papier les premières lignes de ce récit. Notre narrateur est au fond du trou - pour ne pas dire de la corbeille - et a tellement le moral dans les chaussettes qu'il s'extasie de longues heures durant devant l'un des longs cheveux noirs de son ex. Pendant ce temps cette dernière dort du sommeil du juste à côté de son chat qui ronronne. Bien maigre intrigue, l'innocent brautiganien que vous êtes peut-être, pourra-t-il insinuer. Mais oui parce que chez Brautigan, il y a non seulement un style qui explose à toutes les phrases - des tournures, dans cet opus, terriblement alambiquées mais qui retombent toujours magiquement sur leurs pieds, prenant souvent des allures de vérités ancestrales qui sortiraient de la bouche de maître Yoda - mais aussi une originalité à mourir. Et puis il y a la poésie brautiganienne :

"Yukiko se retourna.

Tout bêtement, tout simplement.

Et ce faisant, son corps fut très petit.

Et ses cheveux suivirent, la rêvant lors même qu'elle se retournait.

Un chat, son chat, dans son lit en fut réveillé et la regarda qui lentement roulait dans le lit. Et lorsqu'enfin elle s'arrêta, ce chat s'en repartit à dormir.

C'était un chat noir. Et qui à ses cheveux fort bien aurait pu être une banlieue."

Et puis, et puis encore et toujours cette petite pointe d'humour dévastatrice qui vous surprend au détour de chaque paragraphe : plus jamais, après avoir lu cet ouvrage, vous ne regarderez du même oeil un sandwich au thon, vous n'oserez évoquer une plaque minéralogique, ou encore un sombrero... voire même un cheveu. Brautigan fait partie de ces voyants littéraires - je sors le lourd ce soir - qui vous embarque dans son monde littéraire et qui parvient à vous faire considérer ensuite chaque chose sous un autre angle. C'est d'une beauté, c'est du ptit lait littéraire et d'une drôlerie terrible qui vous fracasse pendant des jours. A noter au passage une traduction au taquet de Robert Pépin qui tend à rendre parfaitement le rythme musical du phrasé brautiganesque - j'avais déjà relu la plupart de ses livres en v.o. avant que je ne retombe dans la flemmardise, on va po me la faire. Bref du l'or brut, le Brautigan, inégalable. Chapeau bas, forcément...

Commentaires
Derniers commentaires