Flirt (1995) de Hal Hartley
Si on voulait être un peu mauvaise langue, on pourrait dire que Flirt signe le début de la décadence du Hal; comme une preuve de son incapacité à se renouveler, à explorer d'autres pistes, ou tout simplement de son manque d'inspiration, Flirt décline dans trois lieux différents quasiment la même histoire. Même si Hartley évoque vaguement l'influence de l'environnement sur les gens (comme s'il se prenait pour un Alain Resnais moderne, rions), on est point dupe, puisqu'il se contente de changer uniquement, dans chaque histoire, la focalisation (l'hétéro amant, l'homo amant, la femme amante) et le petit twist final. Ce ne sont point les mêmes acteurs, certes, petit effort de casting, mais les mêmes répliques, répliquées à la virgule près, défilent à l'envi ("I can not see the future...! / - You dont need to see it, you know it's there...): un clin d'oeil d'une histoire à l'autre, c'est drôle, 30 fois dans les trois histoires, c'est plus de l'humour ou, même, une pseudo variation géographico-philosophico-cinématographique pointue (...) mais de la paresse, tout bêtement. Quant à la pauvre trame faiblarde, elle est repompée platement sans donner d'ailleurs la moindre chance à la ville en question, simple décor théâtral (le personnage principal de l'historiette panique parce que la personne qu'il aime prend un avion dans 3 heures; il veut discuter ou clarifier entre-temps la situation avec un autre flirt, qui est marié; il se prend une balle dans la joue ou la lèvre supérieure (c'est ce genre de détail que Hartley varie, hummm, malin); le personnage prend une décision... (enfin, si on veut)). On retrouve le style maniéré du Hal qui a fait sa gloire, sauf que là tout le monde se prend vraiment au sérieux et rien n'est drôle, manque de charme, de finesse, d'étincelle. Chaque histoire a son lot de philosophes de comptoir qui donnent son avis sur le flirt (les clients des pissotières à New-York, classe, les ouvriers de chantier à Berlin, ultra cultivés (et non turcs bizarrement), trois femmes en prison à Tokyo (une djeunes piercinguée, une traditionnelle, une classique en tailleur... tellement artificiel, ce trio, qu'on y croit pas une seconde - un peu comme le reste, superficiel et léger comme disait l'autre...). C'est justement là où le bât blesse : alors que la mise en scène, jusque là, de Hartley, précise, millimétrée, parfaitement huilée, avait ce petit quelque chose d'humoristiquement décalé, de frais, d'absurde, il semble que maintenant Hal tente simplement de se copier lui-même, sans aucun brio, sans aucune foi : c'est devenu du même coup aussi excitant qu'un oeuf cru qui tombe, la tête la première, sur un trottoir. Je sais po ce qu'a pu arriver au Hal au milieu des années 90 (ah oui, il s'est marié avec la Jap de Flirt justement, rooh, ne soyons pas people) mais toute sa magie s'est soudainement disloquée (ce qui fait doucement rire Gols qui ne l'a jamais trouvé magique justement... Mauvais garçon). Je crois toujours à un sursaut du Hal depuis quinze ans, j'ai un peu peur d'être le dernier...
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