Cerro Torre, le cri de la roche (Cerro Torre : Schrei aus Stein) (1991) de Werner Herzog
On comprend ce qui a pu attirer Herzog dans un tel projet; bénéficiant de l'expertise de son pote Rheinold Messner, une petite aventure en Patagonie mettant en scène un vieux pro de l'escalade et un jeune champion du monde en salle, c'est forcément tentant : une montagne réputée impossible à gravir, le côté complètement starbé pour entreprendre une telle aventure et des paysages de malade, tous les ingrédients principaux sont présents pour un petit cocktail herzogien. Alors oui, on en prend plein les yeux, oui c'est impressionnant de voir un type suspendu à deux mille mètres accroché uniquement avec le petit doigt au-dessus du vide (je soupçonne l'auriculaire), et on finirait presque par sentir la morsure de la neige à travers notre tee-shirt pendant la tempête; il y a l'aspect relativement vain du bazar qui est évoqué et qui rend ces humains défiant Dieu un peu ridicules, une petite pichenette est même balancée à cette télévision friande de spectacle mais sans un poil d'humanité... Mais franchement tout le cirque scénaristique autour tient po la route; si escalade il y a, c'est pratiquement uniquement dans les 20 dernières minutes (un duel "au sommet" avec une pointe d'harmonica leonienne, mouais) - pourquoi pas -, mais l'intrigue auparavant ne pèse vraiment pas lourd : un nombre incalculable de séquences n'est souvent qu'un prétexte pour mettre le paysage en scène; le personnage de Mathilda May, plus potiche que jamais, femme entre deux hommes (super ressort scénaristique à deux balles), ne sert strictement à rien, Donald Sutherland en journaliste opportuniste grandiloquent est un peu pathétique, seul peut-être le personnage de Brad Dourif en véritable fantôme errant apporte un peu de profondeur... L'ensemble de la trame est prévisible dès le départ (on comprend, cela dit, au sens propre, le fameux adage "qui fait le malin, tombe dans le ravin", c'est déjà ça) et on regrette presque un bon docu sur le même sujet (surtout que la mise en place des caméras sur la montagne est déjà spectaculaire en soi). Pas la meilleure fiction du gars Werner qui épuise un peu son filon.
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