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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
24 août 2008

Le Filmeur d'Alain Cavalier - 2005

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On fait dans l'épure en ce moment, avec le gars Shang, et dans le genre, Le Filmeur atteint des sommets. Débarrassé de tout ce qui est censé "faire cinéma" (scénario, équipe, travail en amont, etc.), Cavalier revient à la source, se contentant d'enregistrer la vie dans tous ses visages. Ce film rejoint tranquillement les grands cinéastes de la "première personne", les Moretti, les Caouette, les Kiarostami, les Eustache, et on a beau dire : ça fait du bien de sentir enfin que derrière la caméra, il y a une individualité, un homme et un seul.

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Cavalier promène donc sa minuscule caméra le long de sa vie, et capte tout, depuis la venue d'une mésange sur son balcon jusqu'au 11 septembre vu à la télé, depuis les farces de sa femme jusqu'à la mort de son père, depuis la forme étrange d'une poire tombée de l'arbre du voisin jusqu'à ses craintes d'avoir un cancer. Ce qui est sublime là-dedans, c'est l'immédiateté : rien n'est écrit à l'avance (à l'exception d'un très beau plan re-créé sur un seau posé dans la lumière de la maison d'enfance), tout est fait dans le présent. La voix de Cavalier, la plupart du temps murmurée pour ne pas casser la spontanéité des choses, s'invente en même temps que l'image. Il voit et réagit en même temps, avec ce que ça comporte d'hésitations, de mots envolés, de poésie immédiate. Les plans, volés, furtifs, sont d'une poésie éclatante, qu'ils montrent simplement la nature en train d'être ("traduire le vent visible par l'eau qu'il sculpte en passant", phrase effectivement magnifique de Bresson et qui semble être ici le cahier des charges de Cavalier) ou des actes beaucoup plus "brutaux" : le père qui meurt, la femme en détresse, une clocharde dans la rue. Le cadre est hyper-travaillé, mais on sent pourtant que chaque chose est attrapée dans l'instant, sans calcul. Cavalier reconnaît lui-même qu'il trouve insupportable de voir disparaître les choses qu'il trouve belles ou drôles, et son film est empli de cette détresse : attraper la vie avant qu'elle ne s'échappe.

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Le Filmeur a le dépouillement naturaliste du Five de Kiarostami, mais échappe complètement à la neutralité visée par celui-ci. Derrière chaque plan, le réalisateur clame sa présence, sa subjectivité, et on est bien loin du documentaire. La force du montage y est pour beaucoup, qui tente de créer des correspondances thématiques entre les plans, presque au hasard, réussissant parfois à dessiner de curieux rapports (entre une poire coupée et un pied malade, entre un écureuil mort et un visage balafré), échouant la plupart du temps à organiser le monde (et c'est tant mieux). Il y a là-dedans la simplicité des choses, une sensibilité extraordinaire, des tas d'animaux magnifiques, quelques douleurs à peine esquissées (l'enfance, la Résistance, la tristesse) ; il y a tout le cinéma, passionnément montré par un regard sur le monde qui bluffe par sa sérénité. C'est sublime.

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