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21 mars 2024

Sous-Sols (Im Keller) de Ulrich Seidl - 2015

On peut toujours compter sur ce brave Ulrich Seidl pour se remonter le moral le temps d'un film. On quittera ce Sous-Sols avec une gueule de trois mètres de long et l'envie de quitter ce monde durablement : effet donc radical, et but atteint pour Seidl, qui voulait de toute évidence mettre en valeur la chiennerie de la vie, l'horreur d'être au monde, et la pente descendante sur laquelle glisse l'humanité, cette monstruosité. Ce qui atterre encore plus que dans ses autres films, c'est que celui-ci s'annonce comme un documentaire, et que la vérité qui y est montré en est d'autant plus affreuse. Bon, documentaire, certes, c'en est un : le cinéaste filme ses contemporains autrichiens dans leurs rapports avec leur sous-sol, celui-ci étant visiblement très important dans la société bourgeoise du pays. Ces messieurs-dames peuvent en effet y laisser libre cours à leur vie la plus privée, y laisser parler leurs pulsions, alors qu'en surface, en-dehors de ces caves, ils sont bons citoyens sages et rangés. En quoi consiste donc cette vie privée ? Seidl descend donc avec eux, embarque une caméra qu'il fixe bien au sol dans un axe frontal, mathématique, et nous montre la chose.

Au programme : nostalgie du troisième Reich, souvenirs de carnages en safari, sexe sado-masochiste, fanfares traditionnelles, blagues racistes, salles de tir, poupées torves et machines à laver. Si on en croit Seidl, les pulsions de ses compatriotes sont un catalogue d'horreurs, de déviances, de dénis, de traumatismes , de fantasmes glauques, tous pratiqués en secret dans les arcanes de leur jolie maison quiète. On a du mal à croire que tous ces personnages existent réellement, surtout que la mise en scène, très travaillée, tend à brouiller les pistes entre réel et fiction : les sujets sont filmés frontalement, très rigoureusement cadrés, de toute évidence soigneusement placés dans le cadre pour exprimer une sorte de froideur morbide parfaitement immonde. Où est la part de dispositif, où est la part de réalité dans ce portrait infernal d'une société qui va au gouffre ? On ne sait trop, mais ce qu'on voit, c'est que sous ces dehors de monde policé, aisé, éduqué, se cachent des nids d'horreur.

On voit bien que Seidl, fidèle à lui-même, jubile de filmer comme ça l'horreur pure, ces petits vieux sanglotant devant le portrait d'Hitler, cette mamie berçant et parlant à ses poupées comme si elles étaient ses bébés, ce couple SM montré tel quel, copulant comme des bêtes ou s'humiliant au dernier degré. on pourra trouver ça immonde, cynique, volontairement nihiliste, roublard jusqu'au plus haut point. On pourra aussi admirer la rigueur du dispositif, et voir dans cette ambiguïté entre réel et fiction un véritable gouffre sur l'état réel de l'Autriche contemporaine (qu'on peut sans doute écarter aussi aux autres sociétés). Car ces gens existent bel et bien, aucun doute, même si Seidl les filme comme des personnages de fiction. Un regard dégueulasse sur la vie ou un plan de coupe pertinent de ce qu'est notre monde ? un essai punk ou un exemple de manipulation du spectateur ? On ne sait pas trop... mais on prend, et en grande partie en pleine gueule.

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