SERIE : Raël : Le prophète des extraterrestres d’Alexandre Ifi et Antoine Baldassari - 2024

Il y a assez peu d'Auvergnats célèbres pour qu'on soit en droit d'honorer le nom de Claude Vorilhon, alias Raël, ce petit mec un peu allumé mais très malin qui a réussi à créer une sorte de religion nouvelle et à attirer dans son piège des centaines, des milliers d'adeptes crédules. Cette série intéressante se propose de dénouer les nœuds de cette emprise sectaire, de faire le jour sur ce personnage chouchou des médias mais très ambigu, de raconter par le menu l'ascension de ce loser devenu nouveau Messie, et d'interroger ce qui reste du raëlisme aujourd'hui, à l'heure où le bougre se fait dorer la pilule sur une île japonaise et où son mouvement fait moins de bruit. C'est parti donc pour 4 épisodes alignant les incohérences, les absurdités et les aberrations.

Vie éternelle, rencontre avec les extra-terrestres, pédophilie, malversations financières, mensonges, emprise sexuelle, détournement de profits à son seul profit : la liste des conneries proférées ou ordonnées par le bougre est sidérante. On se demande comment des gens parfois très sensés ont pu donner du crédit à ces fables pour enfants. Et pourtant : Raël construit tranquillement son empire, affichant toujours un sourire bienveillant, un calme olympien, un fatras de données scientifico-new-age et une impunité à toute épreuve en réponse à ses détracteurs. On a l'impression, avec son costume de cosmonaute et ses idées futuristes, de voir un personnage de BD ringarde, et on se dit que n'importe qui avec un cerveau normalement constitué le prendra pour un crétin naïf. Le sommet de son ascension sera son association avec une "scientifique" adepte de la vie éternelle, et qui va faire croire au monde entier qu'elle a pratiqué le premier clonage d'être humain : une grosse entourloupe qui fera perdre au mouvement pas mal d'adeptes, mais qui perdure jusqu'à aujourd'hui et amènera les bougres jusqu'au sénat américain.

On ne sait où on doit s'étonner le plus : de voir notre homme se payer des voitures de sport ou des voyages en jet aux frais des convertis ? de voir ceux-ci accepter de verser une grosse part de leur salaire pour construire une ambassade pour les extra-terrestres (et enrichir leur gourou) ? de constater leur déni de l'évidence, aujourd'hui encore, devant les mensonges et incohérences de notre allumé de service (sa maquette de soucoupe volante laisse pétrifié) ? de voir avec quelle (fausse) candeur il justifie l'injustifiable (les viols sur mineur, son enrichissement personnel, ses fables éhontées) ? ou de voir comment, systématiquement il passe à travers les mailles des filets, passant même pour un personnage sympathique, un ami des médias, un gentil fantaisiste ? Tout sidère dans cette histoire, et la série rend pleinement chacun des épisodes de plus en plus dingues. Il y manque peut-être une enquête plus poussée sur la psychologie de ce personnage hors-norme, sur son passé : on voit les effets du raëlisme, mais on ne sait rien de ses origines, c'est dommage. Mais on reste tout de même passionné par cette histoire, et effrayé par ses dernières minutes : après avoir dressé un portrait des gugusses prêts à prendre sa place, et s'être dit que le mouvement a encore de très beaux jours devant lui, on voit notre homme, désormais déguisé en vieux sage à chapeau de paille sur son île, se marrer au souvenir de son passé tumultueux ; et on voit sa principale complice dire la phrase définitive de la série : "Si j'apprenais aujourd'hui que tout est faux, que Raël est un imposteur, je sourirai et je dirai : je ne regrette rien, ma vie a été formidable." Quand la manipulation s'allie au cynisme pur. Edifiante série.