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2 mars 2024

Drôle de Frimousse (Funny Face) de Stanley Donen – 1957

Tout le monde fatigue un peu en cette fin des 50's : Fred Astaire, plus de la première jeunesse, dont les grands films sont derrière lui ; le Pariss-Gross-Pariss des cartes postales de Minnelli ; le genre de la comédie musicale, qui se cherche un second souffle. Et pourtant, l'évidence est là : Funny Face éclate de joie et fait retrouver en deux minutes tout l'éclat du genre. C'est la magie des grands maîtres de la comédie musicale : un pas de danse, une petite chansonnette, un sentiment, et nous voilà prêt à croire à tout, à pardonner tout, à aimer tout. Et en matière de maître, il faut reconnaître que Stanley Donen n'est pas le dernier, non plus que les Gershwin pour l'écriture des chansons et Astaire pour les chorégraphies. Peu importe dès lors qu'on nous parle de reproduction de marmottes ou d'une histoire d'amour : on fonctionne, malgré la mièvrerie, malgré les clichés, malgré le fil blanc dont est cousue la trame.

Très pop, le film nous présente le milieu de la mode dans cette Amérique clinquante des années 50. Kay Thompson interprète une diva des magazines féminins, capable de dicter le goût des femmes pour l'année à venir sur un simple caprice. Quand le film démarre, elle choisit le rose comme couleur sine qua non de l’élégance, et quand on assiste bouche bée au ballet qui suit, on est bien d'accord avec elle : les danseurs sont miraculeux, y compris la peu gracieuse Thompson, ça virevolte dans les couleurs éclatantes, on en a déjà plus que pour son argent. Mais ça ne suffit pas à notre dictatrice de la mode : il lui faut une égérie, le genre de mannequin qui ne correspondra à aucune référence, le physique inconnu et inhabituel qui ravagera tout. Elle trouvera le trésor en la personne d'une libraire toute mal fagotée et très intello, enfermée dans son obscure boutique et sa passion pour l'existentialisme français. C'est l’entrée d'Audrey Hepburn dans cet univers tout d'apparence : elle est l'intello de service, entendez petites lunettes et sens de la fête dans les chaussettes. Notre star de la mode va te vous la décoincer vite fait, avec l'aide du photographe de magazine de service : Fred Astaire is the one, qui à force de ballets langoureux, de bluettes soufflées à l'oreille et de charme viril, va la rendre toute chose (et faire oublier leur différence d'âge). Leur voyage à Paris (Bonjour Peuris ! Le Tour eiffel ! Le chanzélise ! La louvre ! La jardine de Luxembur!) sera l'occasion de cimenter leur amour, et pour elle de traîner dans les cafés de la capitale à la recherche de son Jean-Paul Sartre du moment. Comment rendre une fille intéressante complètement fade : voilà en gros le propos larvé du film, qui sépare dans une binarité sans complexe le monde l'esprit (le livre, la poussière, la tristesse, la solitude) et celui de la joie (la mode, le luxe, la danse, l'amour).

Tant pis pour le fond, si jamais Donen a pensé deux secondes à donner un fond à son film. Le film est un enchantement malgré le discours sous-jacent, et ça suffit bien à notre bonheur. Il regorge de grands moments de danse, comme ce long numéro de Hepburn dans son solo déjà très ancré dans la modernité (on dirait parfois du Béjart !) ; comme ces duos suavissimes avec un Astaire plus léger que jamais, d'une élégance folle, qui semble accompagner sa partenaire tout en la guidant fermement ; dans ces petits ballets drolatiques avec Thompson, décidément grande danseuse elle aussi, qui apporte l'humour et la frénésie. On sourit affectueusement à l'imagerie surannée d'un Paris enchanté, on admire les splendides costumes colorés de Givenchy, on fait mine de trembler pour notre Audrey qui s'aventure dans les milieux interlopes de Montmartre, on fait semblant de croire aux vacillements de l'amour entre nos deux héros, et on se laisse bercer, même si nos compères, en dehors des parties dansées, jouent un peu comme des cochons, même si tout ça est tellement artificiel et superficiel qu'on est pas loin de l'indigence...

 

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