Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
2 mars 2024

Belle Starr (Il mio corpo per un poker) de Nathan Wich (alias Lina Wertmüller) - 1968

Il est même arrivé que notre idole Lina Wertmüller se frotte au western, c'est dire l'état de son talent (ou de son compte en banque, oui, bon). On ne l'attendait certes pas là, mais Belle Starr ressemble pourtant bien à son autrice. D'abord parce que le personnage principal, le cow-boy sans peur et sans reproche spécialiste de la gâchette et ivre de vengeance... c'est une femme, et non la moins jolie : Elsa Martinelli est belle à mourir avec ses taches de rousseur soulignées au crayon noir, sa taille de guêpe et ses yeux de velours. Ce petit changement de paradigme pourrait faire penser, comme moult films de Wertmüller, qu'on est là face à un manifeste féministe, qui renverse les valeurs du genre viril du western ; mais comme toujours chez elle, le féminisme de base est passé à la machine à broyer, et elle cultive une ambiguïté de sens qui emporte une nouvelle fois le morceau. Certes, Belle est une redoutable mercenaire qui peut en remontrer aux hommes ; mais elle tombe sous le charme du prédateur de service, Larry Blackie (George Eastman), le genre de mâle machiste et prompt à la baffe que n'importe quelle Femen clouerait au pilori. Belle le déteste mais l'adore, et chacune de leurs bagarres finit en embrassades lascives (« Ça sera toujours comme ça ? », demande Blackie à la fin ; « Oui », répond Belle).

Sa haine des hommes est pourtant vivace, elle qui fut violée par son père et incapable de se venger : un homme lui a en effet piqué son meurtre en quelque sorte, la plongeant sans ambage dans un marasme psychologique de choses non réglées, d'amour/haine envers la gente masculine, et de tentations lesbiennes (le personnage de l'assistante indienne, bien joli lui aussi). Ce lourd passé fait de Belle un personnage très intéressant dans la carrière de Wertmüller. Malheureusement, son actrice est très mauvaise, et ne parvient pas du tout à rendre une quelconque épaisseur politique à son personnage, malgré l'histoire très chargée en pistes psychologiques que les scénaristes lui proposent. A la place, elle aura à effectuer un braquage sans intérêt, où les protagonistes masculins prennent d'ailleurs le haut de l’affiche et où elle passe pour une figurante. Si Wertmüller est compétente dans le dessin des personnages, dans la provocation, dans la vrille discrète par rapport aux canons du genre, force est de reconnaître qu'au niveau de l'action, c'est plus poussif.

Réalisé franchement en dépit du bons sens, monté au petit bonheur, le film se déroule dans un désordre total, très avare en scènes glamour (on est pourtant dans le genre western-spaghetti en plein, d'habitude généreux en style), carrément un peu ridicule quand il faut faire parler les armes ou envoyer de l'action. Exemple : « Allons braquer une banque », s'écrient Belle et sa copine ; les voilà parties au son tonitruant de la musique (de Charles Dumont...) en vociférant des « yaaaaa-aaah » et des « wouhouuuu » et en fouettant leurs chevaux ; puis scène suivante, on les retrouve bien crevées dans une grange, prêtes à dormir du sommeil du juste. Il y a comme ça, sans arrêt, des débuts de scènes d'action qui se terminent dans l'arythmie la plus complète. N'y allons pas par quatre chemins : le film est mou du genou, pas tenu du tout, et déçoit franchement. Dommage : le côté sexy qu'ont toujours les films de Wertmüller, leur ton moderne et leur absence de conventions auraient pu en faire un bien beau moment.

Welcome to New West

Commentaires
Derniers commentaires