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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
15 février 2024

SERIE : The Offer de Michael Tolkin - 2022

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Je rêve de voir un jour une œuvre qui retracerait la création d'un film, avec ce que ça comporte de petits arrangements, de convictions, de lutte avec les producteurs, d’intransigeance et de certitudes... pour aboutir à un bide ou un navet. Ce ne sera pas le cas avec The Offer, qui se range (et le spectateur complice avec) dans le rang des grands chefs-d’œuvre qui, tremblez en y pensant, auraient pu ne jamais voir le jour tant l'aventure de leur création a été tumultueuse. Ce chef-d’œuvre, c'est Le Parrain, film emblématique de tout un  pan de l'histoire du cinéma, qui fit la jonction entre les grandes réalisations d'avant et un cinéma plus moderne, plus ancré dans le monde, plus cru, plus direct. Mais avant de devenir l'emblème qu'il fut (et, avouons-le, un des plus grands films qui soient), il fallut bien le créer, et ce ne fut pas sans heurt. Tolkin, s'appuyant sur le témoignage du producteur du film Albert Ruddy, raconte les aléas de la fabrication du mythe, en 10 épisodes agités pleins de personnages bigger than life, d'événements pendables, de tensions et d'histoires en sous-main. On connait l'issue de cette histoire, mais elle est tellement bien racontée, avec un savoir-faire et un sens du show tellement implacables, qu'on se surprend bien des fois à trembler que Le Parrain ne voit jamais le jour, où que la mafia ne mette la main dessus, ou que Pacino n'y joue pas, où que la cocaïne vienne à bout du projet, ou que ces connauds de patrons de la Paramount passent à côté... Ouf, le film sortira avec le succès qu'on lui connait, gloire à cette poignée de pionniers pas niais qui y ont cru envers et contre tout.

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Premier constat : la reconstitution de cette période où Hollywood vacillait un peu sur ses bases est parfaite. Dans une photo glamour et crépusculaire, on voit des producteurs-amateurs chercher la poule aux œufs d'or dans un milieu en crise, et passer plus de temps à bouffer du caviar dans les restaurants de luxe en travaillant des business-plans qu'à parler artistique. Dans ce contexte, le self-made-man qu'est Ruddy arrive comme une fleur : flairant le bon coup à la sortie du livre de Puzzo, il va tout faire, mais alors tout, pour aller au bout de son rêve : renouveler le film de gangsters, marquer l'histoire et faire entrer le cinéma dans l'ère de la modernité. Il aura pour l'épauler quelques rêveurs tout aussi convaincus : Puzzo lui-même, Coppola (excellent Dan Fogler, tout en caprice et en intransigeance), la secrétaire de service (Juno Temple), Brando qui vient se raccrocher au projet... et peu à peu tout une armada de financiers, mafieux, acteurs, collègues ou techniciens acquis à la cause. Mais en face, il y a tous les autres : les financiers qui ne veulent entendre parler que de Love Story, les techniciens faux-jetons, les acteurs capricieux, les épouses irascibles et surtout les gangsters italo-américains qui n'entendent pas les choses de cette oreille. Si Ruddy trouve bientôt en Joseph Colombo, parrain de la pègre, un complice précieux, les menaces s'accumulent, les obstacles se dressent, les nuits blanchissent. Alors que Coppola et son équipe construisent un chef-d’œuvre, Ruddy se bat, jongle avec la légalité, trouve des petits arrangements...

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Deuxième constat : les acteurs sont très attachants, et on aime retrouver dans leur jeu là une posture inhérente à Pacino, là un maintien de corps qui évoque immédiatement Brando, ailleurs un rictus où on reconnait Sinatra. Tout en évitant le name-dropping, Tolkin s'amuse à nous faire retrouver les ambiances et les figures de l'époque, et c'est très amusant de voir mis en images toutes ces petites anecdotes sur les tournages de film, tous ces micro-scandales qui ont marqué cette période. C'est vrai qu'on se dit aussi que quand la légende est plus belle que la réalité, mieux vaut imprimer la légende, et que tous ces événements n'ont peut-être pas été aussi héroïques que ce que nous en présente Ruddy (qui a systématiquement le bon rôle là-dedans) : on soupçonne la série de gonfler tel micro-détail pour faire le show, ou d'exagérer telle discussion de bureau pour en faire un événement incroyable, et on ne croit pour tout dire qu'à moitié à cette incroyable épopée pour arriver au Grand Œuvre. Mais la série est incontestablement plaisante et fun, et si on accepte les petits arrangements avec la vérité, on y plonge avec délice, tout content de retrouver un portrait valable de ce nouvel Hollywood mythique.

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Commentaires
A
Et Damiano Damiani, c'est du poulet ??!<br /> <br /> En voilà un qui sait en causer, de la cosa nostra, dans le fond comme dans la forme. À mille lieues des fantasmes du gros Francis et de son pensum clicheteux de 3h que Shangols considère comme « un des plus grands films qui soient » (!). <br /> <br /> Quelques titres du grand DD, connus ou moins connus, à voir absolument:<br /> <br /> <br /> <br /> • La mafia fait la loi (1967)<br /> <br /> • Seule contre la mafia (1970)<br /> <br /> • Confession d'un commissaire de police au procureur de la république (1971)<br /> <br /> • Nous sommes tous en liberté provisoire (1971)<br /> <br /> • Comment tuer un juge (1975)<br /> <br /> • Un homme à genoux (1978)<br /> <br /> • L'avvertimento (1980)<br /> <br /> • toute la première saison de La Piovra (1984)<br /> <br /> • Pizza Connection (1985)
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C
Je boycotte évidemment et je vais en remettre une couche sur le film... Vous dites que c'est la "jonction entre les grandes réalisations d'avant et un cinéma plus moderne, plus ancré dans le monde, plus cru, plus direct" <br /> <br /> <br /> <br /> "Plus moderne" ? Il n'y a que la photographie de Gordon Willis que je trouve moderne, si l'on excepte la lenteur prétentieuse et solennelle du montage, pas du tout typique, en effet... Je trouve la mise en scène bien plutôt classique (dans un sens positif) et l'écriture aussi (dans un sens négatif).<br /> <br /> <br /> <br /> "Plus ancré dans le monde" ? Mais tout est imaginaire (voir La Mafia à Hollywood de Tim Adler) et aussi connecté à la réalité qu'une ministre de l'Education Nationale en 2024. C'est un "conte de fées" selon le journaliste spécialisé Nicholas Pileggi. Et c'est sans parler du côté Robin des Bois de la deuxième et pitoyable partie. <br /> <br /> <br /> <br /> "Plus cru, plus direct" ? Pas plus vrai sur une réalité économique et politique, en tout cas. Plus violent ? Peut-être mais quel intérêt ?<br /> <br /> <br /> <br /> Le "cinéma plus moderne, plus ancré dans le monde, plus cru, plus direct" de l'époque, c'est (sans ordre) :<br /> <br /> - Richard Fleischer (Les flics ne dorment pas la nuit), <br /> <br /> - Martin Ritt (Traître sur commande),<br /> <br /> - Robert Aldrich (L'Ultimatum des trois mercenaires), <br /> <br /> - Sidney Lumet (Un après-midi de chien), <br /> <br /> - Robert Altman (Nashville), <br /> <br /> - Richard Lester (Terreur sur le Britannic), <br /> <br /> - Arthur Penn (Alice's Restaurant),<br /> <br /> - Ivan Passer (Né pour vaincre)<br /> <br /> - John Huston (Fat City)<br /> <br /> - Bob Rafelson (The King of Marvin Gardens), <br /> <br /> - Karel Reisz (Le Flambeur)<br /> <br /> - George A. Romero (Zombie)<br /> <br /> - Mike Nichols (Catch-22)<br /> <br /> - John Schlesinger (Macadam Cowboy)<br /> <br /> - Jerry Schatzberg (Panique à Needle Park)<br /> <br /> - Don Siegel (Les Proies)<br /> <br /> - Sam Peckinpah (Les Chiens de paille)<br /> <br /> - Francis Ford Coppola (Conversation secrète)<br /> <br /> - ...<br /> <br /> Je sais que vous connaissez les films, je les cite en contre-exemples !
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