Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
13 janvier 2024

L'Etrangleur de Paul Vecchiali - 1972

ETRANGGGG

Vraiment étonnant, Paul Vecchiali, qui arrive toujours au sein de son tout petit éco-système de débrouille et d'arrangements, à trouver de quoi vous contenter, cette petite étincelle qui fait la marque des grands. L’Étrangleur est un film démuni, pauvre, petit ; mais il est doté d'une telle fièvre, d'une telle urgence de raconter, qu'on ne peut que craquer devant la chose et oublier son côté cheap. Le bougre s'attaque ici à un genre difficile : le polar. Le film raconte les agissements d’Émile (Jacques Perrin), vendeur de légumes le jour, étrangleur de femmes désespérées la nuit ; il erre dans les rues parisiennes, choisit ses victimes parmi les femmes tristes qu'il croise, et les occit avec son écharpe d'enfant. On apprendra dans un splendide flash-back que son passé a été tourmenté, et dès le départ qu'il reproduit un acte qu'il a vu enfant. Sur ses traces, trois personnages : un inspecteur (Julien Guiomar) un peu ambigu, qui joue avec lui, qui ne le dénoncera pas quand ils feront enfin connaissance ; un mystérieux voleur (Paul Barge) qui profite des agissements d’Émile pour dépouiller les cadavres de ses victimes ; et une femme aux motivations floues (Eva Simonet) qui le suit de trop près. La rencontre des quatre sera explosive, dans une sorte de final opératique spectaculaire.

10130

Hanté par la musique obsédante de Roland Vincent, le film remplace vite son intrigue policière, vite expédiée, en mélodrame poisseux sur l'obsession, sur la tentation du malheur, sur la dépression, accompagné par le jeu très mélancolique de Perrin. Les errances de son personnage à la marge des grands lieux parisiens, à la recherche de ses âmes seules et désespérées (il va jusqu'à en sauver une du suicide... pour mieux la tuer la minute d'après) sont à la fois rêveuses et déprimées, et les femmes qu'il rencontre (prostituées, danseuses vieillissantes, chanteuses de cabaret moisi...) ont l'air de demander la mort autant qu'il souhaite la donner. Vecchiali donne ainsi à l'acte de tuer une force poétique audacieuse et étonnante : pas de sordide là-dedans, Émile agit comme l’exécuteur des désirs cachés de ses victimes. Il déconstruit complètement le polar, et toutes les règles en sont trahies : l'assassin et le flic se rencontrent très tôt sans vraie conséquence, les victimes demandent presque à être tuées, l'acte du meurtre est rendu doux et mélancolique, le meurtrier semble parfois plus se livrer à un acte sexuel qu'à un véritable assassinat, et le sordide de ses actes est assumé par une tierce personne (le voleur) plus que par le coupable lui-même. Il réalise ainsi le brûlant portrait du désespoir, dans une mise en scène d'une douceur extraordinaire en surface, mais fiévreux en dessous : un excellent film oublié.

Commentaires
Derniers commentaires