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1 décembre 2023

LIVRE : L'Aide à l'Emploi de Pierre Barrault - 2020

66a7c4e477c4343c682da6e643ff80ec21645d6a208c49e4dd08b1d5ad78d23dAmis du non-sens et de l'absurde, bienvenue dans le bouquin le plus fêlé de l'année. Dans un esprit disons assez oulipien ou même surréaliste, Pierre Barrault réalise un petit jeu de langue et de style tout à fait étonnant, qui consiste à déjouer l'attente du lecteur tous les 5 mots environ. Vous commencez une phrase, vous pouvez être sûr qu'elle se terminera exactement comme vous ne l'attendiez pas. Il y a même quelque chose d'un peu inquiétant à considérer l'imaginaire du sieur, qui semble infini mais jamais en phase avec la réalité. Et pourtant, voyez-vous, c'est épatant, mais le gars écrit un livre ancré dans la société d'aujourd'hui, qui arrive à mettre le doigt sur les incohérences du réel, à parler par la bande de pas mal de névroses modernes. Au départ, le livre prend appui sur Artalbur (...), un homme en recherche d'emploi. Son conseiller l'enjoint à trouver mille emplois, mais à chaque fois il est comme empêché par le quotidien : un médecin qui est en fait une comédienne et qui veut absolument l'opérer d'un intestin trop long, un chauffeur de bus qui s'avère être lui-même qui met son point d'honneur à l'écraser, une voix téléphonique pilotée par une I.A. en plein délire, et tout un réseau labyrinthique de difficultés qui le mènent au lit chaque soir tout aussi désœuvré. Chaque chapitre, à la façon d'un jeu de Pérec, s'écrit sous l'injonction d'un objet du quotidien (lampe-torche, mallette en cuir, éponge, lessive, etc.) qui va apparaître dans le texte, comme une contrainte mise à un texte en totale liberté, comme une sorte de barrière à la folie du style de Barrault. S’appuyant donc sur un drame social (le chômage, la solitude, la dépression), le texte use d'une incroyable imagination pour tricoter une comédie assez noire sur l'injonction, celle qu'exercent sur le pauvre Artalbur tous les êtres et les choses qui l'entourent pour le forcer à trouver un job. La vie est folle et incompréhensible, mais il lui faut s'y inscrire, y adhérer, en accepter les codes délirants. Si on peut se lasser, au bout des 170 pages, de ce procédé en roue libre, on ne peut que se marrer devant cette infernale spirale de non-sens, qui fait penser au Thiéfaine des premiers temps, et on peut se laisser amuser par cette volonté de nous prendre toujours, à l'instar de la langue française, à contre-pied. Impossible en effet de prévoir quelle sera la prochaine idée de Barrault, tant le texte est foisonnant d'invention et de chausse-trappes. Un exercice de style agréable et bluffant.

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