LIVRE : L'Ouragan Lolita (Journal 1958-1959) de Véra Nabokov - 2023

Il a presque fallu une soixantaine d'années pour que le gars Nabokov accède à une véritable célébrité et ce grâce à la parution de Lolita aux States. Sortie auparavant en France (les démélés avec l'éditeur français et la justice française sont évoqués en long et en large), remarquée alors par Graham Greene himself, l'ouvrage, par son thême, avait refroidi plus d'un éditeur éventuel... Seulement voilà, dès la sortie, cet ouvrage trompeusement entouré d'un certain parfum de scandale est salué par la critique et se vend comme des petits pains (pour des raisons là aussi assez fallacieuses, point forcément liées à la qualité littéraire dudit livre). Journalistes, photographes et animateurs télé veulent Nabokov mais ce dernier, même s'il conçoit à certaines visites chez lui, reste relativement discret devant tout ce tapage... Il avait écrit Lolita pendant ses petites parties de chasse aux papillons en Amérique (d'où une certaine connaissance des motels...) et cette occupation semble plus le passionner que cette gloire arrivée sur le tard. C'est donc Véra qui, ici, relate cette période tout de même assez agitée, jouant les intermédiaires éclairées face à toutes ces personnes qui le réclament. Un petit journal, osons-le l'avouer, dont les "meilleures feuilles" étaient déjà parues dans l'édition du Cahier de l'Herne, qui illustre sur un peu plus d'un an ce tourbillon d'intérêt pour l'écrivain. Même si Véra déplore les sempiternelles questions similaires des journalistes (quand cela sent le soufre, tout journaliste s'excite et tente d'apporter sa petite étincelle - peine perdue ici), même si, finalement, rares sont les critiques qui comprennent à sa juste valeur ce texte truffé de références (et prenant fait et cause pour cette Lolita prise dans les rets de ce pervers), l'aura lolita est totale. On prend conscience d'un certain malentendu autour de cet ouvrage (et "Lolita", trademark dorénavant, d'être citée à toutes les sauces en chanson ou à la téloche) mais dont l'odeur de poudre (malgré tout) va rapidement s'étendre sur tout le globe (le Canada, l'Angleterre et la France se montrant les plus réticents à la publication de l'ouvrage... tttt). Cela permet, bienheureusement, aux autres livres de Nabokov (un effet d'inspiration en quelque sorte) de profiter de ce succès même si là encore on ne se faisait pas trop de souci sur la valeur, un jour reconnue, de l'ensemble des ouvrages de notre homme. Des infos sur cette razzia médiatique, des petits traits plus terre-à-terre sur la vie quotidienne des Nabokov (sur leur fils notamment, leurs amis, leurs voyages - et les ennuis avec leur voiture), le tout relaté dans un style relativement léger et efficace. Certes, ce petit journal est assez dispensable face à toute oeuvre du maître, mais permet de revenir "de l'intérieur" sur la naissance d'un phénomène (qui n'en fit guère bouger une, apparemment, chez Vladimir mais qui changea indéniablement son quotidien). Lol ? Ite...