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29 octobre 2023

Le Garçon et le Héron (Kimitachi wa dô ikiru ka) (2023) de Hayao Miyazaki

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On pensait ne jamais voir le dernier film de Miyazaki, à force d'entendre ici ou là que le maître ne produisait plus qu'une minute d'animation par an (ce qu'aurait dû faire Lelouch pour La belle Histoire, ce qui lui aurait pris 210 ans - je dis ça... oui, je confirme, il aurait en effet eu le temps de faire seulement trois films). Alors ? Alors ? THE film testament qu'on attendait (pour chambrer le gars Frodon évoquant la notion de film testament à propos de Ozu... C'est quoi un film testament putain ?). Le moins qu'on puisse dire c'est que ce maître de l'animation des "éléments" (après le vent (qui se levait), l'eau (Ponyo, ponyo, ponyo...), le feu est ici prodigieusement rendu dans une scène d'ouverture qui sent la cendre) nous livre une ultime partition qui fait à la fois la part belle au réalisme (le début de l'histoire, qui prend tout son temps, nous montrant un jeune héros ayant perdu sa mère et semblant ne jamais pouvoir s'en remettre) et à l'imaginaire le plus débridé (la seconde partie... qui laissera sûrement, j'en mets ma main au feu, Gols de marbre). Oui, Miyazaki est et reste éblouissant quand il lâche les chevaux et nous sert encore une fois toute une panoplie de créatures aussi étranges que sournoises, aussi bizarres que poétiques. Comment pourrait-on simplement résumer la chose de façon ultra-simpliste ? Un garçon, après avoir perdu sa mère, se lance dans une quête pour, on l'espère, pouvoir se rapprocher un jour (sentimentalement) de sa belle-mère ? Dit comme cela, on ne peut pas dire que cela soit particulièrement sexy... C'est que c'est dans cette quête elle-même, après l'ennui, l'effroi, les errements de ce bambin quelque peu livré à lui-même (un père absent, une tante enceinte qui s'apprête du jour au lendemain à remplacer la mater partie en fumée), que réside l'essentiel de l'histoire : qu'il s'agisse des individus que le gamin croisera (ceux qui l'aideront comme ceux qu'il combattra : ils participeront chacun à son évolution, sa formation) que des aventures qu'il traversera. Après toute une partie où Miyazaki prend le temps de poser son personnage, son entourage, ses questionnements, on pénètre dans l'imaginaire du gamin et c'est forcément la porte ouverte à tout un nouveau monde éblouissant, extravagant, extraordinaire, dément.

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Bon, déjà, avant qu'on dise tout et n'importe quoi, il faut rappeler à quel point les animés de Miyazaki sont beaux, et toujours mis en valeur par une petite musique adéquate. On a parlé de cet incendie impressionnant dans le premier quart d'heure, on pourrait aussi évoquer ce soin apporter aux arbres, aux troncs, au lierre, à chaque feuille, ce fourmillement de détails (la moindre petite brise d'air qui fait vibrer un élément du décor) qui rendent les œuvres de Miyazaki si attrayantes. L'animation, elle, toujours aussi fluide, parfois assez surprenante pour ne pas dire drôle (la marche des six grand-mères, chacune ayant leur rythme propre) est également un vrai régal qui paraît finalement presque évident tant on connaît le sens du perfectionnisme de l'homme. Mais ce qu'on aime, surtout, avouons-le, outre justement ces éternelles grand-mères et leur tronche de pancake moisi, c'est toutes ces créatures qui fourmillent, qu'il s'agisse ici des petits bidules que sont les warawara (l'équivalent blanchâtre des noiraudes totoroesques), que de ces saloperies de perruches plus sournoises que jamais... Car (j'ai ma transition) dans le monde imaginaire de Miyazaki, autant il y a de compagnons amicaux, de passeurs, d'aides, que de créatures viles, traîtres, cruelles... C'est aussi en cela que cette quête du garçon (qui se joue dans ce monde parallèle - le fruit d'un rêve ou de l'imagination du bambin) est formatrice : loin d'être une petite balade dans un monde idyllique et niais, cette quête se déroule dans un monde peuplé d’embûches, d'épreuves, de tests, de choix à faire et, automatiquement, d'individus antagonistes... Il faut savoir s'en défaire, se débarrasser des êtres malveillants sans le devenir, ne pas tomber dans les pièges de la simple apparence (ou des apparences),  pour ensuite être capable, chacun à sa façon, de trouver son équilibre, sa voie dans notre petit monde... On pourrait chercher multitude de symboliques (la porte in utero...), de petites leçons (la préservation du monde... bienheureusement, le message écologique reste ici relativement sobre), de philosophie cachée (ce feu qui protège les warawara... tout en en détruisant certains), mais avouons que l'on prend avant tout plaisir à se laisser porter totalement par cet univers totalement déjanté créé par l'imagination encore fertile de ce vieillard qui, de rebondissement en rebondissement, nous ramène tranquillement à notre placide réalité - alors même que la tempête qui se joue dans le crâne de chaque enfant, de chaque adolescent demeure un puits sans fond de créativité... C'est encore cela, sûrement, qu'on retiendra de cette dernière création de Miyazaki : le fait qu'il ait su garder jusqu'au bout cette imagination extravagante (que tout enfant perd à l'âge adulte) et se donner les moyens jusqu'au bout de projeter son univers sur écran géant... Le reste, finalement, importe peu. Héron, héron, petit...

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