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6 octobre 2023

Nos Cérémonies de Simon Rieth - 2023

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Un film profondément original à défaut d'être vraiment réussi, voilà ce que nous réserve la première œuvre de ce jeune cinéaste qui, au moins, embrasse à bras-le-corps le malaise et l'audace. Un film qui tourne autour de la mort envisagée comme une drogue dure, et qui transforme les rapports fraternels en jeux de compétitions mortels, avouez qu'on connait plus lisse. D'ordinaire, pour traiter ainsi de la fascination pour la mort, on choisit de filmer un serial-killer obsessionnel. Là, on choisit une option très différente : lors d'un accident, un enfant (Simon Baur) trouve la mort. Son frère (Raymond Baur), dans un geste d'amour, embrasse son cadavre sur la bouche... et le ressuscite. Dès lors, un jeu trouble s'installe entre les deux mômes devenus ados : l'un est effrayé par ce pouvoir messianique dont il est détenteur, l'autre devient dépendant à la mort et ne cesse de demander à son brother de l'assassiner et de le faire revenir à la vie. Ce petit jeu dangereux se double d'une découverte de la part de nos deux frangins de l'amour, pour l'aîné une quête désabusée de corps qu'il baise puis laisse tomber sans scrupule, pour le cadet par les retrouvailles romantiques avec une copine de l'enfance (Maïra Villena). Compétition, domination et humiliation seront au rendez-vous du destin boiteux des deux frères.

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C'est comme si l’ainé n'avait pas voulu mourir tant que son cadet ne s'était pas accompli, n'avait pas pu lui-même trouver l'amour, trouver de quoi le remplacer pour le reste de sa vie. Noé ne peut pas mourir si Tony ne s'accomplit pas ; celui-ci ne peut pas le voir partir s'il n'accepte pas de ne plus être son protecteur. C'est une très jolie vision des rapports entre frères, que Rieth filme par le biais d'un fantastique lent et moderne, sans effets gore, sans esclandre, mais avec un sens du cadre et du timing excellent. Les scènes de meurtre, filmées froidement, avec distance, presque hanekenement, arrivent sans qu'on s'y attende et créent des électrochocs intéressants. L'histoire d'amour, romantique, douce, qui se développe est en porte-à-faux avec la noirceur du rapport entre les deux garçons, marqué par la violence. C'est encore une fois un film qui travaille sur la séparation, d'avec son enfance, d'avec ce à quoi on tenait et croyait immortel, sur la nécessité de savoir se débarrasser des autres pour continuer à vivre. En ce sens le film est vraiment intéressant et sincère.

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Mais tout ça est alourdi par un style un peu trop sérieux. Rieth sait qu'il fait du cinéma, et qui plus est un film au scénario assez ambitieux, et en rajoute une couche dans le solennel. On a l'impression d'un style un peu supérieur, qui nous enjoint de chercher le sens derrière le symbole, et d'être face à un film trop professoral, trop programmatique. C'est dommage, en allégeant son écriture il aurait gagné en puissance et en surprise. Ici, on est enseveli sous l'austérité un poil crâneuse de la mise en scène, qui a d'autre part parfois du mal à choisir ses angles de prises de vue, qui rate pas mal de scènes à cause d'un flou artistique gênant. Comme les acteurs ne sont pas non plus extraordinaires (dirigés vers une inexpressivité qui ne colle pas avec le portrait de l'adolescence visé), on se désintéresse vite du destin bizarre de ces deux frères. Dommage, il y avait là un vrai matériau de base. Le prochain sera le bon.

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