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Shangols
REALISATEURS
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26 septembre 2023

Acide de Just Philippot - 2023

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Acide vient confirmer tout le bien qu'on pensait de Just Philippot depuis La Nuée. Et il vient même ajouter une couche de talent et de maîtrise, ce qui fait qu'on quitte la salle en ayant eu l'impression de mater un de ces bons vieux films de survie américains. Notre réalisateur national, en effet, n'a pas à rougir devant les atmosphères apocalyptiques et angoissants de ses confrères outre-Atlantique ; et son absence de second degré, la gravité qu'il met à filmer la fin du monde, la sincérité de son film, loin d'être des défauts, convainquent pleinement d'avoir trouvé un cinéaste de genre en nos frontières, un de ceux qui prennent le genre au sérieux, n'y ajoutant aucune ironie facile. Il faut de l'audace, oui, pour proposer ainsi un film sur le thème de l’apocalypse, du péril écologique, et pour l'envisager du point de vue du spectacle. L'apocalypse prend ici d'abord une forme qu'on attend pas : celle du social, et celle de la déconstruction de la famille. La fin du monde sera sûrement écologique, certes, mais elle sera aussi politique et intime. Michal (Canet, le clou dans la chaussure du film, un peu ridicule en père justicier) est un brave ouvrier qui tape un soir de grêve un peu trop fort sur son patron. Le voilà flanqué d'un bracelet électronique, ce qui, avec sa séparation d'avec sa femme (Laetitia Dosch, super, elle), et les caprices de son adolescente de fille (Patience Munchenbach, parfaitement crispante) commence à faire beaucoup. On pense, si on n'a pas lu le pitch, que le film veut nous amener vers un truc à la Stéphane Brizé.

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Mais bientôt la nouvelle de pluies acides ayant tué des animaux à l'autre bout de la planète arrive aux oreilles des Français, qui le traitent en Français, mi-inquiets mi-goguenards. Presque aussitôt ces pluies tombent sur le pays et commence alors le vrai film : une fuite éperdue de ce père, de son ex-femme et de sa fille à travers le pays pour échapper à la fin du monde. Philippot se régale à ménager des scènes de tension, et ne cache rien de son pessimisme : on aura beau courir en tout sens et gagner quelques jours de vie, on finira tous cramés. Avec l'énergie du désespoir, on regarde ce gars un peu con, un peu obtus, devenir un père jusqu'au bout du sacrifice. Dans des ambiances qui peuvent évoquer le Hitchcock des Oiseaux (voire celui de Psychose, dans son audace de sacrifier les acteurs principaux à mi-chemin), le réalisateur soigne à mort ses ambiances autant que ses personnages. Visuellement, le film est magnifique, rempli d'effets spéciaux très intelligents qui donnent un bel aperçu de ce que pourrait être la fin du monde. Paysages ravagés par la pluie brûlante, bêtes affolées qui foncent à travers les bois, carcasses de bagnole fumantes, scènes d'exode (un plan fugitif sur une famille africaine fuyant avec les autres, et hop, en voilà assez pour évoquer les migrants), tout est très bien senti à travers une palette qui privilégie les gris, les verts sombres, les atmosphères enfumées et nocturnes. La musique très inspirée de Rob, le sens du rythme au montage, et surtout cette façon de raconter le plus simplement possible, sans détour (une seule séquence dommageable fait quitter le fil : une mère qui se cache avec son fils malade dans sa maison, c'est en trop), tout ça vous fabrique un film vraiment haletant et effrayant.

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On est pris dans la spirale, et on suit bouche bée la chose, complètement captif de cette habile mise en scène, complètement convaincu par l'univers graphique et l'aspect très sombre de la trame, tout sens critique mis à bas par la puissance de ce qui nous est raconté. Ce n'est que sorti de la salle qu'on se rend compte que, oui, c'est vrai, Canet n'est pas très bon, que, oui, le film ne dit pas grand-chose à part "on va tous crever", que cette histoire de père qui sauve son enfant a déjà fait ses preuves avant (La Guerre des Mondes de Spielberg, dont Acide copie beaucoup les atmosphères) et que tout ça manque un peu de recul. Mais on aura passé 1h40 en pleine immersion, et rien que pour ça, saluons bien bas Philippot.

Commentaires
S
Malheureusement dès que la mère se transforme en perle de bain, on passe d'Acide à pH neutre. La Nuée c'était au-dessus et ça causait au-dedans. Celui-là casse pas trois pattes à un Canet (juste deux).
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