SERIE : Designated Survivor de David Guggenheim - saison 1 - 2016

Jack Bauer n'est pas mort, et je dirais même que cette série lui redonne une verdeur réjouissante. Bon, il a vieilli toutefois, et ne peut plus se livrer à ses cascades, ses auto-mutilations et ses journées de fou. Guggenheim lui octroie donc un nouveau rôle, qui est presque le contre-champ de son personnage de 24 : le voilà président des States. Un peu malgré lui : petit ministre sans envergure désigné comme le "designated survivor" (le gars qu'on met à l'écart un soir et qui, en cas d'attentat et de mort de l'équipe présidentielle, devient président à son tour), assiste terrifié à l'éradication du Capitole et de tous ses occupants. Le voilà à la tête de l’État, sans en avoir les compétences à priori. Sauf que notre Tom Kirkman, humaniste, démocrate, attentionné et convaincu de la grandeur de sa tâche, va s'avérer être un président tout à fait valable, voire même supérieurement compétent. D'où la somme de jalousies, de fourberies, de coups de jarnac dont son mandat va être jalonné. Entre l'enquête autour de l'attentat, les négociations ardues avec les Russes, les Algériens ou les Français, les confrontations avec les généraux et autres chefs d'opposition, la gestion de son image médiatique, les épidémies ou les meurtres perpétrés par la concurrence, les soucis familiaux, les trahisons de ceux qu'on croyait dévoués, les erreurs de communication, les fautes du passé qu'il faudra bien reconnaître, les sacrifices humains mis en balance avec le bien-être de ses électeurs, les bassesses du lobby pro-armes et les baisses de subvention pour les classes de musique (oui, ce président-là gère aussi les fanfares de village), il aura fort à faire. Kiefer reprend le taff, déploie ses hommes et ses femmes de main sur le terrain, et gère tout ça avec une humanité confondante, parvenant à une sorte de politique à la Macron, ni de gauche ni de droite (ni de gauche), un brin clientéliste tout de même (il suffit de le croiser à un repas et vous repartez avec un beau chèque ou une promesse solennelle) mais ma foi efficiente.

En fin de compte, rien n'a vraiment changé dans les séries depuis les années 2000. On a beau rivaliser de constructions savantes et de personnages complexes, on en arrive toujours au point où Guggenheim arrive : balancez du cliffhanger toutes les 20mn et vous aurez une super-série. Designated Survivor est immondément nationaliste et chauvin, putassier dans sa vision de la politique, crédible comme je suis demi de mêlée, systématique et simpliste. Mais dès le premier épisode, on est scotché par cette façon de nous maintenir sans cesse sous tension, de ne jamais sous laisser respirer pour nous permettre d'entrevoir les défauts de la chose. Dès que Kirkman se sort d'un souci, boum deux autres lui tombent sur le coin du râble, et quand enfin il peut se reposer deux minutes, hop on se déporte sur telle agente du FBI coincée par une horde d'espions patibulaires ou tel secrétaire fomentant contre le héros une machination diabolique. Certes au bout des deux tiers de cette saison (qui compte tout de même 21 épisodes), on commence à fatiguer devant les ficelles apparentes du récit, devant cette recette facile qui se répète à l'envi. Mais l'abattage de Kiefer Sutherland (qui ressuscite ses "Dam'it !" avec un enthousiasme qui fait plaisir), la situation marrante, et le sadisme des auteurs qui inventent des chausse-trappes de plus en plus terribles sur notre pauvre homme, suffisent à faire oublier ces défauts et on se surprend à avoir la bave aux lèvres devant ce rythme trépidant et cette façon de tout doper à la surprise. Les USA dirigées par Kirkman auraient à mon avis trois semaines d’espérance de vie avant de sombrer dans le fascisme ou le chaos anarchique, mais on a envie de croire à cette bienveillance un peu cucul-la-praline, à cette naïveté, à cette foi dans le système démocratique, et le plaisir de se faire raconter une histoire pleine de méchants et de gentils qui s'écharpent fait le reste. Bah on aime, un peu honteusement, mais on aime.