Koza (1995) de Nuri Bilge Ceylan

Un court-métrage de Ceylan dure-t-il par définition au moins deux heures ? Vous êtes caustique, eh bien non, juste dix-sept minutes, dix-sept minutes, pourrait-on oser de "photos animées", puisque le photographe laisse ici pour la première fois la place au cinéaste en herbe. De quoi est-il question ? Pas de trame, pas de voix, juste des sons, ceux de la nature, et parfois, dans le cadre (après celui des photos, celui de la caméra) deux vieilles personnes (ses parents a priori) qui posent, justement, dans cette nature. On sent le temps qui passe, on sent cette osmose de l'homme avec la nature et les éléments (épis de maïs, feuilles, vent, tonnerre, eau...), on sent qu'entre cet homme et cette femme (parfois éloignés, parfois rassemblés...), il y a plus que les mots, il y a cette vie partagée au gré des saisons et cette mort, en attente, qui veille - pour illustrer cette idée, d'une certaine façon, il y a cette image d'un chat, couché, la gueule ouverte, que l'on croit mort lorsqu'une fourmi s'échappe de sa gueule, mais qui en fait respire encore, sommeille... On penserait presque à ces photos de Kiarostami qui soudainement s'animent, reprennent vie. C'est une musique lente qui accompagne ce montage, une sorte de lamento, qui nous berce, nous touche aussi tant elle souligne le caractère de ces images fugaces à la fois si belles et si sombres, presque mortifères. Il y a un troisième individu, un gamin, qui fait le malin dans les bois, un gamin plein d'espièglerie dont la seule présence semble simplement venir en contre-point de ces vieux immobiles, qui ne jouent plus, ne marchent guère, s'étalent sur le sol plus qu'ils ne le foulent. Ce n'est pas d'une gaieté folle et cela devrait plaire à Gols, cet assemblage d'images, cette juxtaposition qui semble aléatoire, mais qui finissent par poser une ambiance, par donner à l'ensemble un sens - la nature s'agite, ne cesse de se transformer, l'homme vieillit, puis un jour disparaitra. Atmosphérique.