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25 septembre 2023

LIVRE : Le grand Secours de Thomas B. Reverdy - 2023

9b8468af110cad41680a7bedc107ec6969bc236ec7ccb0a2e435dd4674432715Un livre à la fois juste et alarmiste sur l'état de notre bonne vieille Éducation Nationale à l'heure d'aujourd'hui, entre démission des élèves et dépression des profs, manque de moyens et incompétence des édiles. Reverdy, qui m'a l'air de bien connaître son sujet, nous enferme pendant quelques heures dans un lycée de Bondy, ville la plus pauvre du département le plus pauvre de France, pour un roman choral qui s'intéresse à tous les côtés de la barrière. Tout à tour prennent la parole Mo, un élève gentiment romantique et discret fou amoureux d'une de ses camarades ; Paul, un poète engagé pour faire des ateliers d'écriture auprès de nos bambins ; Candice, prof de théâtre encore plus ou moins convaincue de son utilité ; et autour de ces trois protagonistes s’expriment une foule de seconds rôles, enseignants aigris, syndiqués découragés, élèves en difficulté, jeunes prêts à l'implosion. Au début de cette journée se déroule un petit événement ordinaire qui va mettre le feu aux poudres et plonger ce petit monde déjà bien désabusé au bord de l'émeute : une bagarre entre deux gusses, les réseaux sociaux qui s'enflamment, les rumeurs qui enflent, le ras-le-bol ambiant qui finit par avoir le denier mot, et voilà notre établissement en  proie au chaos. A qui la faute ? aux jeunes qui ne savent rien faire d'autre que casser bêtement ce qui leur appartient ? aux profs qui ne parviennent plus à leur communiquer le goût du savoir ? à l'état qui laisse la situation s'embourber d'elle-même ? aux filles qui rejettent les garçons ? à la ghettoïsation des banlieues ? à l'ennui ? un peu tout  ça, soupire Reverdy, qui ne laisse que peu d'espoir de réconciliation à son pauvre lecteur.

En choisissant ainsi de découper son récit en courts chapitres alternant les points de vue, il donne l'air de faire le tour de son sujet. Il réalise un roman à la fois politique (et peut-être un peu orienté à droite, si on en croit les dernières pages consacrées à l'émeute elle-même, qui se teinte d'un moralisme un peu réac sur les bords) et social, qui ne tombe pourtant jamais dans l'essai pur. Il sait à l'occasion laisser parler un paysage, un détail (la jolie invention du pigeonnier voisin, qui le laisse développer une symbolique pertinente sur l'appartenance à un territoire) ou un personnage : intéressants, ces trois êtres si différents rassemblés pourtant le temps d'une journée, et contraints de vivre ensemble. Parfois, quand il laisse tomber ses réflexions alarmistes sur l'état de l'école, Reverdy sait trouver des mots justes pour parler de ce sacerdoce de l'apprentissage. Un cours de théâtre sur Le Bourgeois gentilhomme, par exemple, dans lequel on comprend que les jeunes générations peuvent trouver encore du grain à moudre dans les classiques, pour peu qu'on y cherche les choses qui leur parlent vraiment ; ou dans ce cours d'écriture de poésie, où les élèves, subitement, cessent d'être des gamins pour se mettre à créer. On pourrait croire que la vision est angélique ; mais à côté de ces moments, Reverdy en relate 50 qui sont désolants : la plainte d'une prof qui en a marre d'être abandonnée de tous, l'impasse du système scolaire tel qu'il est pratiqué, l'exemple in situ de l’exclusion des élèves les moins doués ; ou tout simplement cette révolte qui éclate, démontrant le mal de vivre de chacun. L'écriture n'est malheureusement pas au niveau de l'ambition, et pêche souvent par sa platitude, voire son usage de clichés littéraires. Fonctionnelle et pas très bien balancée, elle accroche souvent la lecture, manque de fluidité. Mais le fond compense, et on ne peut qu'apprécier le mélange d'espoir et de fatalité avec lesquels Reverdy traite son sujet, et sa manière de le plonger dans l’actualité brûlante. Allez, élève studieux et concentré. (Gols 16/09/23)


Oui, c'est un ouvrage d'un élève appliqué qui, même s'il pêche parfois "pédagogiquement" (La princesse de Clèves, ce qu'il faut en comprendre... Un cours à sens unique où on explique sans chercher à faire réfléchir... oups, putain, je suis dans la déformation professionnelle...) dresse un tableau pas très glorieux de ces établissements scolaires en  zones défavorisées. On retombe bien sûr sur d'éternels clichés (la photocopieuse est en panne et c'est le drame nucléaire ; les syndicats qui se battent pour rien ; les parents d'élèves intenables...), un peu comme si l'Education Nationale et la perception qu'on en a n'avaient jamais vraiment évolué depuis une bonne cinquantaine d'années ; ou si jamais elle a "évolué", c'est dans le mauvais sens, sur cette pente douce du manque de moyens de plus en plus criant... Oui, certains profs s'accrochent, oui, certains élèves en valent toujours la peine (pas tous ? allons, ne soyez pas naïf... ah ?...), oui les responsables le sont de moins en moins (quand tu es directeur, directrice ou recteur, rectrice un seul mot d'ordre prévaut désormais : enterrer les problèmes, pas de vagues ; on ne peut pas régler les problèmes, donc plus on les ignore, plus on est apte à être "considéré" comme étant quelqu'un de qualifié à ce poste). Alors, forcément, on va vers la gabegie et il ne faudra pas s'étonner après si les écoles flambent, si les gamins ne s'y sentent plus en sécurité, si les profs se barrent... (Une antienne qui va forcément exactement dans le sens que le veut la droite d'ailleurs : favorisons donc le développement d'écoles privées "sélectives" - et puis dans cinq ans, de toute façon, il y aura moins d'élèves, il suffit de serrer des fesses en attendant)... Du coup, Reverdy, même si ce ne sont pas forcément ses intentions premières (sa réflexion sur "l'appartenance à un territoire" joliment soulignée par le gars Gols en est une preuve), fait quand même un peu le jeu de cette vision alarmiste de l'EN : tout part en vrille dans ces REP++++, quitter le navire au plus vite est sans doute la seule option qui reste pour tout le monde. C'est un peu dommage, tout comme le portrait de ces profs souvents totalement dépassés par la situation (pour une prof super, tu as l'impression d'avoir neuf clampins)... Cet ouvrage (et ce final surtout, totalement chaotique) me fait un peu penser à... La Journée de la Jupe, qui avait en son temps, en ces colonnes-mêmes, provoqués des débats houleux (tu mets deux profs dans une salle, tu auras trois avis contraires, c'est une loi... quasi divine). Là encore, je ne dis pas que les conditions d'enseignement difficiles évoquées ici sont totalement absurdes : on tombe juste dans une sorte d'ornière un peu systématique qui fait parfaitement le jeu des détracteurs de l'EN. Redonnons un tout petit peu plus de crédit aux profs (l'héroïne, ici, aussi sensuelle avec son rouge à lèvres qui pête qu'à l'écoute de ses élèves, bonjour le stéréotype ringard) et à leur travail effectif en classe : dans l'état, le bouquin de Reverdy surfe beaucoup sur une image qu'on aime à avoir aujourd'hui des écoles défavorisées sans vraiment rentrer (une fois, dirons-nous... et c'est un intervenant extérieur...) dans le coeur d'une classe et de ce qu'il s'y joue : faire réfléchir. (Shang 25/09/23)

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