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9 mai 2017

Le Décalogue (Dekalog) - 1- Un seul Dieu tu adoreras (Nie będziesz miał bogów cudzych przede mną) de Krzysztof Kieślowski - 1988

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Dans le cadre de notre cycle "je range mes vieux dvd", passage obligé au rayon polonais, avec cette série fondatrice qui fit connaître son auteur et hanta quelques-unes de mes nuits. Kieślowski démarre très fort avec cet épisode proprement bouffé par la mort dès le départ. Le premier plan : un mystérieux clochard beau comme un Polonais, l'air triste au coin du feu, au bord d'un lac gelé, lève brusquement les yeux vers la caméra. On comprend que tout ce qui va se dérouler ensuite sera sous l'égide de ce regard. Jugement moral ou simple regard de pitié ? En tout cas, notre Krzysztof place d'emblée son feuilleton sous un signe mystique, et plonge personnage et spectateur face à l'irrationnel : qui est ce Messie moderne et comment a-t-il prévu ce qui va suivre ? Mystère.

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Ce qui va suivre, en tout cas, va donner raison à ce regard. On se retrouve dans les quartiers banals de Varsovie, pris dans le froid de l'hiver. Un père divorcé et son fils vivent là, lui éminent prof de linguistique, son môme sur les traces du paternel : le Dieu ici, c'est les chiffres, les statistiques, les probabilités, les calculs qui font gagner aux échecs et permettent de prévoir la solidité de la glace pour patiner. Aux interrogations métaphysiques du petit, le paternel répond par un agnosticisme affirmé, alors que la tante, elle, est croyante et inscrit son neveu au catéchisme. Mais les signes avant-coureurs d'un drame surnaturel se multiplient, le plus inquiétant étant une petite fille, véritable ange de la mort, qui vient sonner à la porte pour rien. Il y a aussi un chien mort, un encrier qui éclate sans raison. Et effectivement, la tragédie adviendra, envoyant tous les chiffres à leur inanité et rappelant que, oui, un seul dieu tu adoreras. Kieślowski se place d'entrée de jeu sous le signe du mysticisme, mais ne réalise pas pour autant un film béni-oui-oui ou sûr de lui. Plein de mystères, refusant de répondre à toutes les interrogations, renvoyant dos à dos croyants et impies, il préfère interroger nos convictions les plus ancrées et transformer ses interrogations abstraites en personnages et en situations.

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Les ambiances qu'il impose dès le départ à la série tranchent radicalement avec ce qu'on connaissait jusqu'alors à la télé : psychologie complexe, ambiances très soignées (ici des atmosphères bleutées et gris métallique), scénario profond, aucune concession esthétique. Certes, le scénario a un peu vieilli, est un peu symbolique, un peu appuyé. Mais on reste admiratif devant ce ton très personnel, devant la profondeur très adulte que le film veut révéler sous son aspect de série, devant la foi dans un cinéma radical, devant ce sujet dramatique traité sans filtre. Le dernier quart d'heure est une exemple de tenue, avec cette foule hébétée qui contemple le drame, et les enfants qui semblent être comme les porteurs de vérité inatteignable. Une atmosphère de fantastique vient entrer dans le film, et on ressort du truc aussi glacé que dans un voyage à Varsovie. Infiniment triste, interprétée avec subtilité, déjà classique, une entrée dans Le Décalogue tonitruante.

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