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Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
16 septembre 2021

Le Bourreau (El verdugo) (1963) de Luis García Berlanga

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Pas envie de reprendre le boulot ? J'ai le film qu'il vous faut. Imaginez-vous deux minutes être bourreau et devoir "garroter" un type ? Cela dépasse l'entendement de notre pauvre Nino Manfredi et pourtant, il va bien falloir un jour qu'il fasse son taff... Retour en arrière : Nino est croque-mort et ce n'est pas le meilleur job pour traquer la gorette. Il se désespère jusqu'au jour où il croise la fille d'un bourreau, la rotonde Emma Penella. Nos deux jeunes gens ne tardent pas à consommer leur amour et sont surpris quasiment la main dans le sac par notre ami José Luis López Vázquez, bourreau devant l'éternel. Ni une ni deux les deux tourtereaux (elle est déjà enceinte qui plus est) passent devant le prêtre. Reste un challenge : trouver un appart. Pour ce faire, une seule solution s'offre au Nino (poussé par son beau-père) : devenir bourreau à son tour. Qu'il se rassure, notre Nino qui ne ferait pas de mal à une mouche, de nos jours la plupart des condamnés sont graciés. Ou pas.

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Ce qu'on apprécie chez l'auteur espagnol, c'est ce tour de passe-passe "à l'italienne" d'enchaîner les dialogues à la mitraillette et de truffer son récit d'ellipses qui passent comme dans du beurre : on a à peine le temps de suivre la rencontre entre Nino et Emma qu'il est dans son lit, qu'ils sont à l'église, qu'ils ont un bambin de deux ans sur les genoux. On est relativement impressionné par ce rythme échevelé et cette facilité d'enquiller les séquences en un clin d'oeil. Autres jolies choses à remarquer dans cette œuvre qui file à cent à l'heure, l'art de Berlanga dans les champs/contre-champs (avec deux caméras qui se trouvent souvent très éloignés l'une de l'autre dans certaines scènes en extérieur) et son petit jeu avec la profondeur de champ (la scène vaudevillesque où le Nino doit se cacher dans la chambre de son amante à l'arrivée du beau-père ou encore la scène, plus terrible et cruelle, où notre Nino, bourreau débutant, se liquéfie au premier plan : on lui intime de faire son taff alors même que le condamné apparaît en arrière-fond, en gardant, lui, un air plutôt digne). Des petites subtilités techniques mais qui ajoutent encore au dynamisme de cette œuvre superbement mise en scène.

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Et puis bien sûr, il y a le fond, l'idée de faire une sorte de comédie sur la peine de mort. Berlanga évite tous les pièges dans lesquels tomberait un (au hasard) Roberto Benigni : à l'image d'un Nino Manfredi remarquable en tous points, le ton du film ne cesse d'osciller entre comédie familiale (encore une fois) « à l'italienne » (on parle comme on se jetterait des tomates dans la tronche) et situation hautement dramatique (toute la fin du film en particulier quand le Nino se retrouve convoqué pour sa première exécution) ; Berlanga, dans l'un ou l'autre domaine, ne cherche jamais à trop en faire et tout notre capital sympathie est pour notre ami Nino Manfredi qui subit plus qu’il ne décide : le Nino, embringué « presque » malgré lui, dans ce mariage ou dans l'exécution d'un type (sa femme et son beau-père le mènent par le petit bout du nez et le forcent à prendre ce taff) se décompose à mesure que le film avance. Si l'on sourit un brin lors des scènes conjugales, on pâlit avec lui lorsqu'il se doit de passer à l'acte - la peine de mort n'est pas qu'un concept, il faut bien qu'un type à un moment ou un autre s'y colle (et le garrotage, hein, bref...). Le final est absolument fabuleux dans cet enchaînement en montagnes russes : Nino se retrouve à passer des vacances en famille au bord de la mer car le type qu’il devait mettre à mort est malade… Il espère bien que. Seulement patatras, il est à nouveau convoqué pour trucider un gars. Berlanga jusqu'à la toute dernière image joue de ce passage incessant entre des moments pleins de vie, de bruit et de fureur et ce passage à l'acte, terrible, de mise à mort. Rondement mené, superbement interprété, intelligemment conçu, un petit bijou espagnol à redécouvrir. Trois guillotines, haut la main.   (Shang - 21/08/16)

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Quelle merveille, on est bien d'accord, que ce film aussi agréable pour l'amateur de comédie "à l'italienne" (c'est une réalisation espagnole, mais une co-production italienne) que pour celui de farces subversives à la Buñuel. Ce film trépidant, magnifiquement joué (il y a l'excellent Nino Manfredi, oui, mais aussi l'hilarant José Isbert, un modèle d'humour macabre, responsable d'une scène grandiose de discussion bon enfant avec un collègue bourreau, et l'impeccable Emma Penella en femme bovine satisfaite et stupide) a le don incroyable de renverser sa vapeur du tout au tout : on rigole d'abord aux aventures de ce pauvre gars embringué dans une histoire qui ne le concerne pas, puis peu à peu on est terrifié par ce qui lui arrive : devenir bourreau n'est pas simple ; et on gardera longtemps en tête cette scène sublime où notre Manfredi est poussé malgré lui à l'échafaud, encore plus terrifié que le condamné, dans une pièce vide, glaciale, terminée par une porte qui a tout d'une entrée aux enfers (voir la photo de mon camarade plus haut) : le rire s'étrangle dans un mélange d'humour noir et de fatalité métaphysique qui nous tombe dessus, une merveille. Cette scène est mille fois plus efficace contre la peine de mort que tous les pensums d'Eastwood ou de Sean Penn réunis. A part ça, lisez la chronique de Shang, elle est énamourée et parfaitement juste : voilà un grand film oublié, que toute l'équipe vous conseille en chœur.   (Gols - 16/09/21)

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