Les Contrebandiers de Moonfleet (Moonfleet) (1955) de Fritz Lang
L'ami Gols, lors de notre dernière discussion skypesque, n'avait pas l'air d'avoir gardé un très grand souvenir de Moonfleet, et le problème c'est que je ne peux pas vraiment lui donner tort. Si la complicité qui s'établit entre le jeune Mohune et ce Lord félon Jeremy Fox (Stewart Granger qui serre la mâchoire pour se donner l'air d'un super méchant mais n'y parvient pas toujours) constitue le gros temps fort du film, on est en revanche un peu déçu, de la part de Lang, dans les scènes d'action ou dans cette fameuse recherche "au trésor" : beaucoup de capes mais malheureusement très peu d'épées (un combat légèrement déséquilibré entre notre Jeremy Fox, à l'épée, face à un type qui manie l'hallebarde comme moi le javelot : enfin un peu d'action mais qui tourne court); quant à l'énigme pour localiser le fameux bijou de famille, elle ferait passer le père Fouras pour un véritable génie. Certes les décors technicolor filmés en Cinémascope valent leur pesant de cacahuètes, la musique du gars Miklos Rosza est particulièrement enlevée, mais on reste un peu sur notre faim devant ce film qui semble plus convenir à un dimanche aprème de notre enfance pour rêver d'aventures extraordinaires. On se sent un peu couillon d'avoir passé l'âge.
Fritz Lang nous gratifie d'une petite danse hispanisante avec une Liliane Montevecchi déchaînée sur la table qui nous rappelle que Dieu a bien fait de créer la femme; elle fout la honte à la compagne de Jeremy, la plantureuse Viveca Lindfors au regard cruellesque, et on pense s'acheminer vers un combat féminin de toute beauté. Lang décide de les abandonner en route - la Viveca ne réapparaissant que pour se venger de ce Jeremy peu fidèle qui cherche à se débarraser d'elle - et on regrette ces deux jolies figures expédiées en deux coups de cuiller à pot. Une troisième donzelle, Joan Greenwood, charmera plus tard notre héros (joli baiser dans le carrosse plein de perversité, sous les yeux mêmes du mari de la Joan, pour cacher et sauver la tête de Jeremy poursuivi par les gardes qui inspectent le dit carrosse), mais cette dernière ne va pas non plus faire long feu... On retrouve ce goût de Lang pour explorer les territoires en sous-sol (la scène dans le caveau puis celle dans le puits où notre jeune Mohune fait preuve de bravoure et d'intrépidité) tissant un lien en "profondeur" (mouais, je saute sur l'occase) entre notre jeunot jamais déméritant et ce Jeremy qui, sous ses faux airs de bandit sans foi ni loi, cache un petit coeur plein de tendresse. Cette association entre le jeune innocent et cette brute qui s'est enfermée dans sa carapace (ne semble jamais s'être vraiment remis de cette attaque par une meute de chiens) est touchante comme tout - bah si, un peu quand même -, notre Jeremy trouvant dans son sacrifice final une jolie petite rédemption. L'ensemble est, définitivement, magnifiquement filmé, mais on ne peut point dire non plus que ce récit "d'aventures" soit non plus trépidant de bout en bout. Je me range à l'impression générale de Gols, un poil déçu.