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3 mai 2010

The Five Obstructions de Lars Von Trier & Jørgen Leth - 2003

vlcsnap_2010_05_02_20h13m47s42La difficulté et le handicap faisant partie des conditions sine qua non du cinéma de Von Trier, The Five Obstructions apparaît comme l'archétype de son "style" : c'est un film complètement dépendant de contraintes arbitraires posées là comme autant de propositions de cinéma. La grande perversion de la chose (et je fais partie des gens qui pensent que la perversion est une qualité chez Von Trier), c'est que ce n'est pas sur lui qu'il exerce ces contraintes, mais sur un peuvre cinéaste innocent, Jørgen Leth, qui ne demandait rien à personne et qui se trouve embringué dans la manipulation de Lars.

Soit donc un court-métrage pré-existant, L'Homme parfait, réalisé par Leth : Von Trier lui propose de réaliser 5 remakes de ce film, mais en lui imposant des cadres techniques ou stylistiques précis. Par vlcsnap_2010_05_02_22h45m37s2exemple : pas de plan de plus de 12 images, ou réaliser un dessin animé, ou aller filmer à Cuba. Dès le départ, on sent la jubilation de Von Trier : il filme ses conversations avec Leth, affichant un sourire carnassier à chaque nouvelle contrainte qu'il impose. On devine derrière le projet une tentative de manipulation humaine autant qu'un exercice sur les possibilités de la commande au cinéma. Von Trier, de toute évidence a envie que Leth se plante, envisageant ses demandes plus comme une psycho-thérapie que comme une obligation de résultat artistique. C'est par exemple la plus douteuse de ses contraintes : aller filmer dans l'endroit le plus misérable du monde (Leth choisit la quartier le plus pauvre de Bombay, où il va se filmer en plein repas gastronomique au milieu de la population affamée).

vlcsnap_2010_05_02_19h48m23s158Mais le projet se retourne vite contre son inventeur. Le fait est que Leth réussit tous ses films, et que la contrainte semble même doper son imagination. Les quatre "remakes" ainsi proposés (la cinquième "obstruction" est déconnectée du reste, je ne vous dis rien) sont superbes, depuis l'expérimentation formelle du film cubain jusqu'à la beauté plastique du cartoon, depuis la provocation génante du film à Bombay jusqu'au godardisme en split-screen du film belge. A chaque fin de tournage, Leth revient avec la banane, gonflé à bloc par la réussite de ses entreprises. Et c'est finalement à l'effondrement du système-Von Trier qu'on assiste, beaucoup plus qu'aux doutes de sa victime. La domination voulue de l'un sur l'autre aboutit au final à l'anéantissement de la provocation du projet : Von Trier devra le reconnaître, c'est à un retour de manivelle qu'il devra faire face, les petits films de Jørgen Leth questionnant d'abord le cinéma de Von Trier lui-même.

five_obstructions_lethCa ne va guère plus loin que ça, et c'est dommage que les deux compères ne fouillent pas plus profondément dans la théorie cinématographique, se contentant d'une surface sophistiquée un peu vaine. Mais, au passage, The Five Obstructions aura proposé un portrait de Von Trier assez sarcastique, assez masochiste aussi, pointant la fausse dangerosité de ce cinéaste après tout naïf. En tout cas, ce film est intéressant dans son concept et très souvent dans sa forme, justement par ce qu'il rate plus que par ce qu'il réussit.

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