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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
18 juillet 2020

Van Gogh (1991) de Maurice Pialat

Et si Van Gogh était bien le plus grand film français de ces vingt dernières années ? Je me demande réellement ce qui peut manquer à ce film en état de grâce du début à la fin. Il y a bien sûr le génialissime Dutronc qui prend littéralement possession de la dépouille fantômatique de l'artiste, mais également une foultitude d'acteurs absolument parfaits (j'ai un grand faible personnellement pour Bernard Le Coq, Alexandra London est impec et même Elsa Zylberstein n'est pas désagréable), il y a cette lumière absolument saisissante qui fait de chaque scène un véritable tableau vivant, il y a une mise en scène d'une grande finesse, d'une certaine sécheresse, certes, mais qui donne du poids à chaque mot, à chaque mouvement des personnages, il y a de longs plans séquences qui respirent et qui laissent le temps à chacun pour pouvoir déployer son jeu... Sans qu'il y ait particulièrement de temps forts, de scènes centrales, Pialat signe un film qui laisse une trace indélébile dans l'esprit - même si la phrase de Marguerite Gachet sur Van Gogh est un peu galvaudée, elle constitue un parfait commentaire de l'oeuvre réalisée par Pialat : "Une succession de moments de faiblesse, mais au bout quelle force !". Le Maurice est à mes yeux, à ce moment-là, au sommet de son art.

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Il s'agit donc des soixante derniers jours de la vie de Van Gogh à Auvers-sur-Oise et, même si le Dutronc a une certaine tendance à tirer constamment la gueule, toute la première partie est lumineuse, extraordinairement éclairée, aussi bien les sublimes paysages de bords d'eaux, de champs de blé ou les maisons de "caractère", comme pourrait titrer le prochain exemplaire de Modes et Travaux, que par la présence des femmes qui virevoltent autour du Vincent : la pute Cathy, en premier lieu, qui semble vampiriser sexuellement le Vince, la jeune et sage Marguerite Gachet qui ne tarde point à virer jupon à la vitesse de l'éclair devant le charme de cet homme au franc parler, ou encore la très jeune servante que titille le Van Gogh.  Pialat s'attarde peu finalement à nous montrer l'artiste à l'oeuvre mais ces quelques moments (Marguerite au piano, l'idiot, un champ de blé...) atteignent toujours une grande véracité et s'intègrent parfaitement dans la fluidité du récit - aucune séquence pour la "pose" chez Pialat. La seconde partie est beaucoup plus sombre avec cette confrontation d'une extraordinaire violence - presque plus mentale que physique - entre Théo et Vincent, l'immense séquence de bal populaire où les prostituées passent d'un bras à l'autre, ou encore la longue agonie silencieuse de Van Gogh qui semble s'être tiré une balle dans le bide comme pour faire une dernière connerie de gamin. On reste saisi devant l'incapacité des médecins comme de son frère à réagir, à l'image finalement de l'incompréhension générale devant son oeuvre de son vivant.

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Pialat filme sûrement le plus bel hommage que l'on puisse rendre à un artiste, le montrant dans toute sa quotidienneté - rien d'un héros ni d'un va-t-en guerre, juste un homme qui au contact des femmes se fend d'un léger sourire - mais aussi dans son absolu isolement : dans les longs silences comme dans les brusques réflexions piquantes, on ressent à la fois toute sa volonté d'être aimé et toute sa frustration et sa colère rentrée, son entourage le traitant soit de fou, soit de gamin capricieux, soit d'irresponsable - voilà pour l'homme; en ce qui concerne sa peinture, les encouragements paraissent bien maigres, ses tableaux semblant plus encombrer les lieux que les embellir. Ah misère, misère, po facile d'être un génie... Son combat semblait de toutes façons perdu d'avance, son éternelle nonchalance apparaissant dès le départ comme une preuve de son renoncement, d'abandon précoce de la partie.

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Puisqu'il faut bien conclure, disons que Van Gogh est une toile de maître, c'est un peu creux mais d'une évidence absolue. Voilou.   (Shang - 02/07/08)


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Voilà plus de 10 ans que Shang a écrit ce texte, ce qui fait de Van Gogh le plus grand film français de ces trente dernières années. Oui, voilà un film extraordinaire, qu'on peut revoir inlassablement tant tout y respire la lumière et la beauté, malgré le côté douloureux de ce destin. A 10000 kilomètres de tous ses collègues en biopic mollement spectaculaires, Pialat réalise un hommage à la peinture d'une parfaite tenue, refusant l'anecdotique (l'oreille coupée ? une simple cicatrice) pour donner à voir un artiste à l'oeuvre, un regard, une sensibilité. Les tableaux célèbres de Van Gogh apparaissent à l'écran naturellement, si bien que le regard du peintre sur ces paysages et ces personnages a l'air direct, passant uniquement par le prisme de sa sensibilité, évitant le piège de la "magie de la peinture" clicheteuse habituelle. En vrai amoureux de la peinture, Pialat inclut l'essence même de cet art dans le cinéma, et réalise sûrement le film ultime sur elle : non seulement la peinture prend corps dans les plans fixes sublimes sur les toiles en train de se remplir de couleurs, sur le trait de Van Gogh, sur une main qui travaille, mais aussi elle apparaît de façon presque logique dans ces multiples occurrences des tableaux dans l'univers concret du peintre, cette façon naturelle de la faire entrer dans l'oeil. Van Gogh est un véritable film-peinture, qui fait le pont entre Renoir père et Renoir fils, en reliant les deux arts, en faisant apparaître tout l'aspect graphique du cinéma. Même dans la construction du film, en courtes scènes sans véritable continuité entre elles (sublime travail de Yann Dedet au montage, encore une fois), on retrouve quelque chose du pointillisme de Van Gogh, de ces couches de peinture, de ce regard général qui englobe le détail, dirais-je. Le film est tellement "évident", tout semble tellement couler de source, depuis la luminosité presque légère du début jusqu'aux ténèbres de la fin, qu'on ne peut qu'y voir la rusticité de la peinture, son absence d'intellectualisme, sa naïveté.

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Pour atteindre à un tel génie, il faut pourtant être un sacré cinéaste, qui abandonne toute trace de réflexion pour se livrer à l'évidence, tout en maîtrisant parfaitement ce qu'il filme. La sentimentalité de Pialat semble être le terreau idéal pour ce type d'exercice, puisqu'elle  parvient à lui conférer un côté très fort en émotions et en même temps assez froid. Dutronc, exemplaire avec son regard malheureux, son corps rachitique, ses brusques accès de désespoir ou d'enervement, sa radicalité et son humour de gamin, est une sorte d'ombre fantomatique qui traverse le film, mais sait parfaitement donner une vraie émotion à son petit personnage qu'on sent déjà mort dès le début du film. Les atmosphères du film, héritées de Renoir, sont d'ailleurs toujours un peu morbides (la longue séquence du bal, sûrement ce que Pialat a fait de mieux), même si le regard porté sur la nature, sur els arbres, le vent, le soleil, montre un type amoureux de la vie. Dans son style toujours naturaliste, le cinéaste sait priviléger les petits moments qui paraissent sans sens a priori, mais qui dessinent finalement un film riche et humaniste : la rencontre avec le fou du village, une soirée au bordel, un bout de saucisson grignoté dans un champ de blé... A côté de ces petits instants, Pialat travaille sur les relations entre Vincent et Théo (on est d'accord : Le Coq est grand), relations qui sortent du champ littéraire des fameuses lettres, et deviennent concrètes, complexes, hyper émouvantes. Cette relation fait le corps du film, son fil rouge, de même que les liens entre le peintre et le Docteur Gachet, amoureux un peu maladroit des toiles de Van Gogh, le seul qui croit vraiment en lui. Et puis il y a les femmes bien sûr, on ne changera pas un Pialat toujours aussi passionné par les échanges amoureux et les plans sur les visages féminins : il trouve avec Alexandra London une très belle Marguerite, qui n'a peut-être pas la photogénie évidente de Bonnaire, mais qui parvient à donner à son personnage d'adolescente amoureuse une aura magique. Qu'ajouter de toute façon à ce film miraculeux, qui se passe justement d'explications et se regarde avec l'évidence des premiers temps, un peu comme si on était un troglodytes découvrant une pierre ? Du génie brut, et puis c'est tout.   (Gols - 18/07/20)

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Commentaires
M
J'ajoute que le film a également un intêret docummentaire dans le sens où il apporte une description crédible de la France de cette époque, en s'attardant sur le quotidien de gens de différentes classes sociales.
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