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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
3 juillet 2007

La Fille de l'Eau (1924) de Jean Renoir

Qu'il y ait encore de purs chefs-d'oeuvre à voir sans que j'en connaisse l'existence me rassure immédiatement sur la beauté de la vie. La Fille de l'Eau est sublime, non seulement un des meilleurs Renoir, mais un des meilleurs films muets que j'ai vus.

filledeleau01La force poétique y explose à chaque plan. Non seulement dans les moments de pure virtuosité formelle, mais aussi dans les moments "creux", simples. Les expérimentations visuelles sont légion : entre un travelling hallucinant qui prend une péniche à contre-courant, un montage ultra-serré sur l'incendie d'une roulotte, des essais de profondeur de champ très efficaces, et surtout une scène de cauchemar qui ferait rougir de honte le Cocteau du Sang d'un Poète ou le Franju du Sang des Bêtes, Renoir essaye tout, et réussit tout. Toute la grammaire du cinéma est là. Le cauchemar en question est puissamment moderne, avec une pellicule tellement surexposée qu'elle est presque en négatif, des ralentis incroyablement doux, des images montées à l'envers, des surimpressions qui évoquent Lilliom de Lang, c'est le grand moment du film. On y trouve une violence et une crudité dans ce qui est montré qui font totalement oublier que le film a 80 ans.

fille41Mais même dans ses instants plus narratifs, le film reste très inventif, avec un montage astucieux, joyeux, complexe sans être handicapant. Un homme au long cou buvant un verre de vin alterne avec un troupeau d'oies ; c'est très joli, fin, et... renoirien en diable.

Ajoutons que la jolie Catherine Hessling irradie tout simplement l'écran, et la blancheur de ses robes n'en est pas la seule responsable. Elle rappelle Paulette Godard, ce qui est un énorme compliment. Ca me fait penser d'ailleurs que le film a beaucoup à voir avec Chaplin, dans les personnages, dans l'humour (le film est souvent très drôle), dans la légereté opposée à la noirceur sociale la plus profonde (on pense aux Temps Modernes). Ajoutons encore que La Fille de l'Eau annonce déjà les grands films "ruraux" de Renoir, notamment la Partie de Campagne ou le Déjeuner sur l'Herbe. Renoir filme la nature, les arbres, la pluie, la rivière, avec un amour et une attention constante. L'image est ensoleillée, superbe, puis devient grise et effrayante au fur et à mesure du déroulement du scénario. Ajoutons enfin que la musique, rajoutée récemment par Marc Perrone, est magnifique (c'est assez rare pour le remarquer).filledeleau02

J'ai une minuscule réserve à faire sur les cartons : il y en a un peu trop à mon goût, comme si Renoir doutait de sa puissance d'évocation. Inutile à mon avis d'écrire "Il pleuvait à torrents" avant de montrer un temps de pluie, on aurait compris. Mais cette réserve disparaît très vite quand on découvre que ces cartons ne sont jamais purement informatifs, et qu'ils forment au contraire un curieux dispositif littéraire autour de l'histoire. Maupassant est bien déjà là, et le texte est assez joliment écrit.   (Gols - 20/05/06)


97jr02Que rajouter à l'article passionné de mon camarade outre le fait qu'il ait entièrement raison: la séquence de cauchemar de la petit Gudule au milieu du film est d'une très grande force et j'ai été tout autant séduit par ces magnifiques ralentis en apesanteur; de même le Renoir champêtre est en grande forme -par rapport aux côtés un peu coincé de Nana...- lorsqu'il s'agit de filmer une rivière, laissant 1 dixième en haut de l'écran pour suivre les pas de l'héroïne,  un plan de quelques secondes beau comme un tableau de Monet. La pauvre petite Gudule erre donc dans la campagne poursuivie par sa brute d'oncle ou par la colère des villageois après un incendie provoqué par "La Fouine" (ah on se croirait de retour dans le Bourbonnais, hum!), un braconnier "plein d'avenir" chez lequel elle venait juste de trouver refuge; elle finira cependant après moult péripéties dans les bras de Georges et la scène du baiser - Renoir alterne les gros plans sur les deux visages qui se font face avec des plans des deux amants à deux kilomètres - est à la fois d'une grande intimité tout en illustrant le fait que les deux amoureux sont dans un monde à part. Beaucoup de petites trouvailles donc, sur un rythme frénétique (cet air d'accordéon enlevé sur ces mouvements de villageois en route pour aller régler leur compte aux bohémiens m'a fait penser aux nouvelles orchestrations sur les films d'Eisenstein - La grêve entre autre... bon moi l'accordéon de toute façon...), donnent à ce film en effet une grande modernité. Renoir for ever.   (Shang - 04/07/07)

Renoir est tout entier ici

Commentaires
L
Il y'a pas que la musque, j'ai trouvé effectivement également beaucoup d'inspiration d'Eisenstein lors de l'incendie de la roulotte avec les gros plans successifs des incendiaires armés de leurs fourches. La scène du cauchemard m'a scotché par sa poésie! Vraiment très moderne, remarquable effectivement ce travelling sur la péniche! J'ai passé un super moment avec ce film...moi qui ne connaissais pas Renoir, je vais continuer l'intégrale :-) [Merci pour vos articles à vous deux, je consulte systématiquement quand je regarde un film, je viens seulement à me décider de laisser quelques mots car je n'ai pas grand chos à dire vu que tout est déjà dit :-)]
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