Quel meilleur moyen pour découvrir le monde que de le faire à pied, disait notre maître à tous Herzog. Un certain Matt Green décide de prendre ces propos au pied de la lettre en décidant de fouler toutes les rues de New-York et ses cinq quartiers mythiques soit environ 13.000 km... Cela ne peut se faire en un jour, vous vous en doutez bien, et Matt se met en place un petit programme quotidien (voilà plus de 6 ans qu'il est dessus – enchaînant les balades de 10 ou 30 bornes) pour venir à bout de cet itinéraire, comment dire, ulysséen, cette visite odysséenne (au sens shangolien), totale. Le type est un jusqu'au-boutiste qui ne se complaît pas dans "l'exploit" pour l'exploit. Chaque jour, il prend le temps de faire des photos, de faire des recherches sur chaque rue, chaque maison pour alimenter un blog quelque peu fourni sur son aventure. On s'embarque tout de même dans le doc en se disant que cela risque d'être un peu chiant de voir notre gars pendant 90 minutes manger du bitume - et bien point : le gars Matt aime à faire des rencontres, à discutailler le bout de gras, évoque des endroits historiques sans être ronflant (ces murs encore rongées par l'explosion d'une bombe d'un anarchiste italien encore cent ans après), nous parle de la nature urbaine avec brio (de ces petites plantes qui s'insèrent dans le béton au plus vieil arbre de N-Y qui, situé dans un endroit reculé, date de plus de 400 ans), circule dans les cimetières avec le flegme du promeneur pour évoquer des artistes ou des petites gens au destin particulier. Le gars a l'habitude de saluer les gens qu'il croise, n'hésite pas à les interpeller pour évoquer leur quartier (et leur apprendre deux-trois anecdotes sans les prendre de haut) et passe totalement crème au milieu de tous ses gens, lui le plus grand des flâneurs toujours avide du petit détail qui tue. Toute personne aimant New-York ou n'y connaissant rien (mon cas) devrait y trouver son compte tant le gars, adepte des compiles sur des thèmes variés (toutes les inscriptions qu'il relève en hommage aux victimes du 11 septembre), fait les choses avec passion, avec foi. La ville, au-delà des gens, est traitée comme un personnage historique (ses lieux incontournables), artistique (ses murs qui parlent), naturel (on en apprend des trucs sur les arbres et les figues) tout cela fait avec un grand sérieux mais sur le ton d'un dilettante qui vit de peu et partage beaucoup. Une belle petite leçon de vie pleine d'humilité et de simplicité, au ras du goudron, dans ce monde sauvage et violent.

The World before your Feet (2018) de Jeremy Workman

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