Il est des médecins qui méritent plus que d'autres les applaudissements de 20h. L'histoire ne dit pas si ce toubib interprété par Macaigne est vacciné, mais en tout cas il est diablement méritoire dans son effort de traverser coûte que coûte cette nuit infernale que Wajeman prend un malin plaisir à écrire façon spirale infinie. Sauver son couple, régler son problème de maîtresse sans dégâts, se sortir d'un trafic de drogues qui prend des proportions qui le dépassent, préparer son avenir en candidatant pour une ONG, éviter de se faire poignarder par les toxicomanes borderline, couper les ponts avec son cousin à la mauvaise influence, tout en continuant de soigner les mamies paniquées et les petits bobos de la nuit, et sans rien rogner de sa morale : voilà les tâches qui lui sont confiées, et qu'il va devoir accomplir le temps d'une nuit plus longue qu'un chemin de croix. Du crépuscule à l'aube, voici donc la nuit la plus infernale de ce petit médecin digne et gentil, mais trop bonne poire pour résister dans ce monde de brutes, racontée presque minute par minute par un cinéaste très compétent, qui ne lâche pas son acteur une seconde et s'évertue à lui plonger la tête toujours un peu plus profond dans la merde. Comme dans une sorte de After Hours mais sans la distance de l'humour, on est nous-mêmes attrapés par le bout du nez et entraînés dans cette course folle pour sortir ce brave type du chaos, cramponnés à ses pitoyables sursauts de survie.

Le film est une petite merveille de noirceur. Reprenant les codes éternels du film urbain de nuit (reflets des phares, ambiances bluesy, personnages interlopes, lumières pluvieuses et électriques), Wajeman s'inscrit dans une tradition de film français qui a fait ses preuves, de ceux des années 80 qui parvenaient toujours à vous poser une atmosphère. Mais Médecin de nuit est aussi implanté dans le monde contemporain, par ses thématiques : le trafic de médicaments, la prostitution, les migrants. C'est sans doute la raison pour laquelle on se projette si aisément sur Mickael, mec normal plongé dans l'anormalité, et peut-être pour ça aussi que le suspense fonctionne aussi bien. Malgré l'aspect un peu invraisemblable de la somme de catastrophes qui s’abattent sur notre homme en l’espace d'une seule nuit, malgré l’interprétation pour le moins irrégulière (décidément pas du tout amoureux de cette Sara Giraudeau), malgré les quelques répétitions du scénario qui piétine en son milieu, on ne décroche pas une seconde du film, captivé par le sens du rythme et du montage du cinéaste. Personnages forts (Pio Marmaï en flambeur dépassé), dialogues efficaces, scènes souvent surprenantes (notre toubib peut se montrer inflexible quand il le veut), le truc va tout droit à sa résolution, qu'on imagine tragique, avec une vitesse d'exécution qui lui fait honneur. Surtout il est porté par un acteur génial, le toujours parfait Vincent Macaigne, qui se renouvelle un peu ici en endossant un rôle dramatique et nuancé, à la fois touchant et énervant, parfois d'une fragilité désarmante (ses visites aux malades), parfois brutal (ses pics de violence auto-défensives), mais toujours hyper juste dans ses réactions. Il nous fait croire dur comme fer à son petit personnage paumé perdu dans un univers qui le dépasse, et nous fait partager ses désarrois, même les plus improbables (c'est quand même chargé au niveau des événements)... Un très beau film simple et droit, réalisé avec compétence et sensibilité, et porté par un grand acteur : parfait. (Gols 14/07/21)

Alors oui, sans doute un poil moins emballé que Gols pour ce sympathique film noir à la française porté par un Vincent Macaigne (le Macaigne movie finira-t-il par remplacer le Bacri movie ? Pas forcément) qui trouve ici un rôle à sa juste valeur. Oui, c'est un véritable voyage au bout de la nuit avec son lot d'incidents, d'emmerdes, de violence, d'amour raté, d'espoir larvé... Le Vince semble y croire encore alors même que son entourage semble avoir fait une croix sur tout changement à venir dans son attitude... A force de vouloir aider les autres, les plus démunis (les drogués en particulier) comme son fou-furieux de cousin pharmacien (Pio, moins piou-piou que d'habitude mais un peu emprunté...), Macaigne n'a plus aucun repère, se raccrochant comme il le peut à son couple qui boit la tasse et à son amante qui le fait tanguer. On sent bien que l'équilibre est impossible entre ce mauvais plan dans lequel il s'est lui-même fourré (fournir des médocs aux drogués et aux mafieux à l'aide d'ordonnances qu'il balance comme des petits pains - il est d'ailleurs dès le départ dans la ligne de mire de l'une de ses supérieures) et cette dérive sentimentale dans lequel il se noie (une femme et deux enfants, une amante... en couple avec son cousin). C'est résolument à l'énergie que le Vince avance encore, puisant un semblant de force chez des patients qui le respectent, voire le maternent, l'endorment aussi parfois (la leçon de piano) et régissant à fleur de peau quand on le colle de trop (il file des beignes qui laissent pantois). Ce n'est plus un docteur angélique nocturne, c'est une machine à survivre ; dommage en effet qu'il y ait un ventre mou, que certains personnages réapparaissent sans cesse sans apporter grand-chose de nouveau (le Pio bravache, la Sara niaise, la femme mi-figue), que le film s'enlise un peu... heureusement, la fin reste digne et nous plonge les deux mains en avant dans le noir sordide. Pour Macaigne qui donne toute sa saveur à un scènar un peu faiblard par endroit mais joliment noir. (Shang 25/10/21)

Médecin de Nuit d'Élie Wajeman - 2021

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