Le consensus fait toujours des ravages, et Soldados de Salamina l'utilise avec une belle santé. C'est le 8000ème film plein de bonnes intentions et qui pense que ça suffit pour faire un sujet. Ca suffit certes pour unir le public dans une belle communion d'opinion (la guerre, c'est mal), mais de là à faire un film...

Rien à reprocher pourtant au discours de Trueba (qui illustre ici un roman de Javier Cercas paraît-il superbe) : son film raconte l'enquête d'une écrivain en panne d'inspiration sur un épisode de la guerre civile. Un dirigeant politique a été mystérieusement épargné par un simple soldat du camp ennemi qui le tenait en joue. Pourquoi ? A quoi pensait ce jeune mec ? Et quelles répercussions a eu son geste magnanime sur le futur ? La damoiselle fouille, retrouve les traces, devient passionnée par sa quête, et Soldados de Salamina en profite pour nous résumer habilement les différents épisodes de cette guerre civile méconnue. C'est donc tout à fait noble, empreint d'un digne ton de sobriété, et véhiculant un discours indiscutable : on trouve des héros partout, et il y a toujours un espoir à garder en l'Homme. Bien.

Le souci, c'est que pour enfoncer ces portes béantes, Trueba utilise des ficelles de scénario et de mise en scène absolument désespérantes. Suite de personnages clicheteux, situations attendues trois semaines à l'avance, musique dans les marques (le Cantus in memoriam Benjamin Britten d'Arvo Part, comme d'hab), esthétique sur-balisée... tout est déjà fait, déjà vu, jusque dans le jeu de la pourtant très jolie Ariadna Gil, dirigée toujours vers le minimum d'imagination. En plus de ce style d'une platitude exaspérante, plagiat de tous les films "concernés" qui l'ont précédé, le film dévie sans explication vers des situations contemporaines dénuées d'intérêt : une relation d'amour qui se tresse entre les deux héroïnes, ou entre l'héroïne et un de ses étudiants, mais pourquoi, bon sang pourquoi ? Trueba aurait mieux fait de ne pas utiliser cette série de va-et-vient entre monde d'aujourd'hui et monde de 1939 : ça nous aurait évité ce scénario malingre concernant l'époque actuelle, et quelques clichés de personnages dont on se serait bien passé (le vieux en maison de retraite forcément paillard, la pute forcément sur-maquillée, la prof forcément parfaite). Quand il retrace les évènements de la guerre, Trueba est un poil plus intéressant ; au moins on a quelque chose à découvrir. Et même si on continue dans les lourdeurs symboliques et les scènes déjà vues (mon dieu, ce soldat qui se met à chanter une romance sous la pluie au ralenti, au secours !), au moins on apprend des choses sur une période de l'Histoire oubliée (par moi, en tout cas). Un film inutile et à deux doigts d'être nul.

Les Soldats de Salamine (Soldados de Salamina) de David Trueba - 2003

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